sábado, 18 de abril de 2009

TESIS. Université de Genève. Suisse.

Table de matière


Résume...........................................................................………………………2
I Introduction…………………………………………………………………..3
II Objet de ce travail
Méthode suivit dans ce travail…………………………………………………4-5
III Définitions des: moi, ego, self et soi.........................…………………...5-17
IV Textes fondateurs : le faux self et la personnalité « comme si »
Définitions…………………………………………………………………..17-19
A- Le faux self……………………………………………………………....17-18
B- La personnalité « comme si »…………………………………………...18-19
V Autres concepts.
A- Le faux self en thérapie…………………………………………………19-21
B- Vraie self…………………………………………………………………21-22
C- Historique.
Personnalité“comme si”............................……………………………………...22
VI Revue de la littérature..............................................…………………..23-39
VII Avis des cliniciens..................................................……………………39-50
Perception actuelle
VIII Le vrai self et l’enfant………………………………………………..50-54
IX Discussion
Similitudes et différences de ces deux notions………………………………54
A- Ces notions sont voisines : Quelles sont les similitudes ?
B- Notion faux self et personnalité “comme si”, différences.......……………55-56
X Conclusion ……………………………………………………………….56-58
Bibliographie……………………………………………………………….59-64



Résumé
L’organisation faux self et la personnalité “comme si “ sont définies de différentes manières dans la littérature. Ignorée par certains auteurs, confondues par d’autres ou enfin utilisées de manière indépendante l’une de l’autre, il apparaît pourtant d’une manière assez générale que ces termes appartiennent au même grand groupe de la personnalité limite et du trouble de l’identité.
Dans le but de préciser la nature de ces notions, deux méthodes ont été utilisées, se basant d’une part sur les théories existantes d’auteurs reconnus dans le domaine psychanalytique et d’une autre part sur l’usage courant de ces notions dans la pratique, en cabinet. Pour cette dernière, des psychanalystes ont été interrogés dans le but de savoir concrètement s’ils connaissaient ces notions, s’ils les différenciaient ou le cas échéant, de quelle manière ils les utilisaient.
Dans cet essai de comparer ces deux notions, nos résultats mettent en évidence des différences. Le patient “faux self” présente un mal être, un vide intense et vit une souffrance qui n’est pas forcément présente chez le patient “comme si”. Afin de combler ce vide affectif, le « faux self » se façonne intérieurement selon les besoins et désirs de son entourage, alors que le “comme si” tente de s’identifier par imitation de modèles. De plus, il est à noter que le patient “faux self” vient de sa propre initiative en consultation tandis que le patient “comme si” a souvent été poussé par ses proches, qui sentent en lui un malaise affectif intense, sans que le patient lui-même puisse s’apercevoir.








A propos des notions de personnalité “comme si” et faux self.
I Introduction
L’organisation faux self et la personnalité “comme si “ sont définies de différentes manières dans la littérature. Il s’agit de notions que ne sont pas utilisées par tous les auteurs; et chez certains, elles sont plus ou moins confondues. D’autres s’intéressent au faux self et ne parlent pas de la personnalité ”comme si”. Pour d’autres encore, ces notions sont proches, alors qu’au contraire, elles sont différentes pour d’autres. Chez certains auteurs, elles sont plus ou moins confondues.
Il s’agit de notions qui comportent un certain flou, et c’est cela qui justifie mon travail.
Nous essayerons de cerner la représentation et l’usage de la notion de faux self et de la personnalité “comme si”.
Concrètement, des psychanalystes ont été interrogés au sujet de ces deux notions pour savoir s’ils les connaissaient et les différenciaient, s’ils recouraient ou non à elles et, le cas échéant comment ils les utilisaient. Dans quelle mesure sont-elles valables en psychiatrie générale et dans la pratique privée psychanalytique?
L’idée d’approfondir dans domaine du self, le vrai et le faux self est née de mes réflexions personnelles sur les liens qui existent entre ces deux notions. Ce choix est lié aussi avec mon intérêt personnel pour la psychanalyse et les thérapies psychodynamiques.
En préparant ce travail, il est constaté que, dans la littérature analytique, des termes comme le “moi”, “l’ego”, le”soi”, le“self”, présentent une certaine difficulté conceptuelle et qu’il n’y pas de critères uniformes dans ces définitions. On s’aperçoit que les auteurs consultés définissent ces concepts de différentes manières, selon leur compréhension.
Avec ce travail il était envisagé d’avoir une idée plus approfondie de l’ensemble des théories psychanalytiques, mais finalement je suis obligée de rester à un niveau plus descriptif, plus proche de la clinique que de la métapsychologie, ce qui dans le travail psychothérapeutique paraît encore le plus utile.

II. Objet de ce travail:
Hypothèse: A propos des notions du faux self et de la personnalité “comme si”:
Le sujet de ma thèse est inspiré d’une idée du professeur Serge Lebovici. Le 28.02.1991, il donnait une conférence à l’auditoire de Cery de Lausanne, intitulé “Un psychanalyste devant le problème du développement du “Self”. J’avais suivi avec grand intérêt ses propos. Le Dr Jean Bovet, présent lors de cette conférence, m’avait proposé comme sujet de thèse l’idée du Prof. Lebovici, selon laquelle la notion du faux self et la personnalité “comme si” sont deux notions différentes. Cette hypothèse de départ m’a parue immédiatement intéressante et sans hésitation, j’ai commencé mes recherches, m’appropriant d’un coup cette idée. Intégrant l’hypothèse du Prof. Lebovici je vais tenter de démontrer cette différence.
Comme certains auteurs donnent un sens très proche selon le modèle théorique de référence, dans ce travail descriptif, nous essayerons de vérifier si, chez les auteurs concernés, ces notions sont utilisées dans le même sens ou dans des sens différents. Si un même auteur utilise indifféremment les deux notions ou au contraire, dans un sens différent, et s’il n’en utilise qu’un, ou aucune.
Dans les notes prises de la conférence du Prof. Lebovici, celles que j’avais soulignées entre autres, faisait mention au “self”, à la théorie de l’attachement, aux idées de Winnicott et autres théoriciens jusqu’à Daniel Stern. Le Dr Jean Bovet avait souligné l’idée que la notion de faux self et la personnalité “comme si” étaient différentes.
Le résumé “officiel” de la conférence du Professeur S. Lebovici était le suivant: ”Les développementalistes américains se référent au soi (le Self) et on devra chercher les sources et les conséquences de cet intérêt, en particulier par une approche comparative de cette notion.
Bien qu’ils n’appartiennent pas à la théorie freudienne, les développementalistes se réclament de la psychanalyse. Ils se réclament aussi de l’empathie dont Freud a parlé comme d’une notion non psychanalytique. Pourtant, la théorie de la pensée d’un soi et des représentations est tout à fait cohérente et conduit à apprécier l’importance de l’inter subjectivité. »
Méthode suivie dans ce travail :
1. Étude de la littérature existante sur ce sujet.
2. Élaboration des questionnaires.
3. Entretiens avec des psychanalystes et psychiatres qualifiés, en utilisant les questionnaires élaborés à cet effet.
Les entretiens se sont déroulés d’une manière semi - structurée.
Les questions posées ont été les suivantes :
1°- Quelle définition donnez-vous de ces deux notions?
2°- Sont-elles pour vous bien distinctes l’une de l’autre ou au contraire quasi synonymes?
3°- Vous y référez-vous (souvent, rarement, jamais...) dans la conception que vous vous faites face à un cas particulier? Le cas échéant, ont-elles des répercussions sur la technique thérapeutique?

III- Définitions des : moi ou ego et self ou soi.
Pour une question d’intégrité, l’orthographe des termes définis sera respectée selon le choix des auteurs. Ainsi, l’on va trouver pour un même concept, l’écriture “moi”, “MOI”, ou encore “Moi”.Personnellement, j’utilise ces termes uniquement écrit en minuscule; “moi”, “ego”, “self”, “soi”, etc.

Le Moi.
Selon Freud, ”Le moi est la partie du ça modifié sous l’influence directe du monde extérieur, par l’intermédiaire du système perception - conscience.
Le moi représente ce qu’on appelle la raison et la sagesse, le ça au contraire est dominé par les passions...dans ses rapports avec le ça, on peut le comparer au cavalier chargé de maîtriser la force supérieure du cheval, à la différence près que le cavalier domine le cheval par ses propres forces, tandis que le moi le fait avec des forces d’emprunt”. (28), (Freud, 1923).
Après Freud, Paul Federn étudie en profondeur le moi, ses recherches sont publiées depuis 1926 dans l’Internationale Zeitschrift fur psychanalyse. En 1928 il écrit dans « Narcissisme in the structure of the ego », une définition descriptive du moi. Pour lui « le moi est la continuité psychique durable ou récurrente du corps et de l’esprit d’un individu du point de vue de l’espace, du temps et de la causalité. »
Il propose également une définition phénoménologique (c’est-à-dire subjectivement descriptive). Selon lui « le moi est senti et connu par l’individu comme la continuité durable ou récurrente de la vie corporelle et mentale du point de vue du temps, de l’espace et de la causalité, et il est senti et appréhendé par lui comme une unité. »
Sa définition métapsychologique du moi est le suivante : « la base du moi est un état d’investissement psychique de certains contenus et fonctions corporels et mentaux interdépendants, les investissements en question étant simultanés et inter connectés, et aussi continus. La nature de ces fonctions et le centre autour duquel elles se groupent est familière.”. (21, pp.97-102)
En 1943 Federn écrivait: “Normalement notre moi corporel demeure plus ou moins le même, il contient tout notre corps avec ses organes sensoriels et moteurs, mais notre moi mental change continûment, suivant les fonctions, les pensées et les perceptions qui sont simultanément conscientes. Le moi mental se sent lui-même comme à l’intérieur du moi corporel.” (21, pp112).

Auteurs récents
Le Moi peut être identifié au conscient ou au potentiellement conscient, c’est-à-dire au préconscient; l’activité du Moi est conscient en ce qu’elle représente la perception interne et le processus intellectuel, et elle joue un rôle dans les intérêts et les sentiments moraux et esthétiques, mais on doit admettre que l’activité du Moi peut être préconsciente, pouvant être amenée dans le champ de la conscience en cas de besoin et qu’elle peut être également inconsciente à partir des expériences et sentiments qui ont été refoulés et dans une certaine mesure de ses mécanismes de défense.” (1, p.44-45-46,).Les idées d’ Ajuriaguerra sont similaires à certains auteurs anglo-saxons.
Le passage précédant est proche de la conception d’Erikson ;”...la tache essentielle du moi consiste à changer le passif en actif, c’est-à-dire à filtrer les injonctions de ses antagonistes de façon à les transformer en volitions”. Aussi de celle de H. Searles “Au départ, je ne tenais pas à explorer des sujets tels que la structure du moi, la pensée et la perception,..., et je peux maintenant m’intéresser à des questions comme l’émergence de la structure du moi au cours du traitement.”(73, p.41-42).
Ces trois derniers auteurs se réfèrent à l’émergence du moi pendant la psychothérapie, qui va collaborer avec la catharsis du traitement.
Dans les auteurs récents il a certaines assez proches par ses descriptions, comme Bergeret et Sillamy, Bergeret affirme que “le Moi se présente en médiateur chargé, en quelque sorte, des intérêts de la totalité du sujet”,(3, p.52) et Sillamy dit: “...la fonction essentielle(du moi) est de régulariser les relations du sujet avec le monde extérieur tout en satisfaisant ses besoins les plus profonds et en tenant compte des exigences morales du “sur-moi”.(75, p.760).
Laplanche et Pontalis définissent le moi du point de vue topique, dynamique et économique. ”Du point de vue dynamique, le moi représente éminemment dans le conflit névrotique le pôle défensif de la personnalité; il met en jeu une série de mécanismes de défense, ceux-ci étant motivés par la perception d’un affect déplaisant (signal d’angoisse)” (48, p 241).
Des auteurs comme Laplanche et Pontalis, Marcelli et même Bergeret situent le moi au centre des mécanismes de défenses, certains comme Ajuriaguerra l’impliquent plutôt partiellement dans ces mêmes mécanismes, les différences de leurs définitions se situent au niveau des nuances, sans contradiction entre elles.
Golse B. propose de comprendre que soit le Moi se différencie progressivement du ça à partir d’un noyau originel immature qui peu à peu étend son contrôle sur le reste de l’appareil psychique, soit d’imaginer que le moi se modèle grâce au jeu des identifications et contre identifications successives à des objets extérieurs incorporés et intériorisés. (32, p.28).
Selon D.Marcelli “le Moi n’apparaît que progressivement, d’abord sous la forme d’un pré-moi au stade du narcissisme primaire; il s’organise et se dégage du narcissisme en même temps que l’objet libidinal. Son rôle initial est d’établir un système défensif et adaptatif entre la réalité externe et les exigences pulsionnelles.” (53)
Pour E.Roudinesco et M. Plon le moi est un terme employé en philosophie et en psychologie pour désigner la personne humaine en tant qu’elle est consciente d’elle-même et objet de la pensée.
Repris par S. Freud, le terme désigne en un premier temps le siège de la conscience. Le moi est alors délimité dans un système appelé première topique et comprenant le conscient, le préconscient et l’inconscient.
A partir de 1920, le terme change de statut pour être conceptualisés par Freud comme une instance psychique dans le cadre d’une deuxième topique comprenant deux autres instances: le Surmoi et le ça. Le moi est alors en grande partie inconscient”. (68, p.679).

Courant de l’ego psychologie :
Heinz Hartman en 1937 présente à la Société psychanalytique de Vienne une étude sur la psychologie du Moi, qui devienne plus tard un livre intitulé: Ich-Psychologie und Anpassunsproblem (La psychologie du Moi et le problème de l’adaptation)
Avec d’autres auteurs il va donner naissance à une nouvelle courant de la psychanalyse appelée l’ego psychologie.
En 1939 il écrivait: “Nous nous sommes retenus d’indiquer à quel moment de la première enfance prennent place les divers stades qui mènent à la différenciation structurale et à partir de quand les systèmes psychiques du ça et du Moi s’opposent et se suppléent l’un l’autre...La première étape, qui est aussi la plus importante, est celle qui concerne l’aptitude de l’enfant à distinguer entre son Soi et le monde qui l’entoure.”(40, p. 49-50).
Dans la même courant se trouve Edith Jacobson. Elle continue à séparer le moi du soi: “Les concepts de “soi” et de “représentations du soi”, en tant qu’ils se distinguent du concept du “moi », prennent un sens précis, quand nous nous rappelons que le système du moi s’établit en même temps que la découverte du monde objectal et la distinction grandissante entre celui-ci et le soi physique et mental du sujet. A partir des traces mnésiques toujours plus nombreuses, concernant les expériences pulsionnelles affectives, fantasmatiques et fonctionnelles, agréables ou désagréables, ainsi que les perceptions qui s’y associent, se forment les images des objets d’amour et celles du soi corporel et psychique. D’abord imprécises et mouvantes, ces images se développent pour devenir des représentations endopsychiques, cohérentes, plus ou moins adéquates au monde objectal et au soi” (42, p.28).
C’est E. Jacobson qui étudie l’évolution du self dans différentes maladies psychiques et qui semble la plus intéressante dans la théorie psychanalytique.
En 1946 deux autres auteurs vont s’unir à Hartmann : Kris et Loewenstein. Ensemble ils vont écrire : « Les trois sous-structures ou systèmes psychiques (ça, moi et Surmoi) ne se conçoivent pas comme des parties indépendantes de la personnalités. Ainsi, trois des plus importantes fonctions de l’ego, la pensée, la perception et l’activité peuvent servir fréquemment soit au ça, soit au Surmoi. (39, p.225-227).

Erik Erikson, pense que ce n’est qu’ après avoir séparé du moi le “je” et les “soi” que nous pouvons assigner au moi le domaine qu’il a toujours occupé depuis qu’il a été introduit par la neurologie dans la psychiatrie et dans la psychologie dans les premiers temps de Freud : le domaine d’une instance interne cautionnant une existence cohérente en filtrant et en synthétisant, dans la série des instances, toutes les impressions, les émotions, les souvenirs et les impulsions qui essaient de pénétrer dans notre pensée et réclament notre activité et qui nous mettraient en pièces s’ils n’étaient pas triés et contrôlés par un système de protection progressivement établi et constamment en éveil.
Exprimée dans les termes les plus simples, la tâche essentielle du moi consiste à changer le passif en actif, c’est-à-dire à filtrer les injonctions de ses antagonistes de façon à les transformer en volitions.”. (18, pp.232-233).

Le courant Kleinien
Mélanie Klein pense qu’il existe dès la naissance un Moi primitif, immature, manquant de cohésion et qui va d’entrée être exposé à l’angoisse suscitée par le conflit entre la pulsion de vie et la pulsion de mort, auxquelles vont correspondre les pulsions libidinales d’amour et les pulsions agressives destructrices.
Alors que la dualité Eros, Thanatos a le statut d’hypothèse chez Freud et qu’elle est relativement théorique, elle fonde directement et de façon très concrète le système Kleinien. (34, pp. 68)
Si on revient à la définition du moi par Freud, on se rappelle que le moi c’est l’instance psychique qui a pour fonction d’intégrer ce qui vient du ça avec les exigences du surmoi et de la réalité extérieure ; tandis que dans la théorie Kleinienne cette idée est postulé dès le début de la vie.
Dans d’autres théories les instances se différentient progressivement et elles surgissent avec le développement. Il est possible de postuler que ces instances sont mobiles, peuvent être changeantes, peuvent s’intégrer, ou se désintégrer au cours de la vie.
Donald Winnicot écrit qu’on peut utiliser ce terme, « le moi, pour décrire la partie de la personnalité humaine en cours de développement qui, dans des conditions favorables, tend à s’intégrer pour devenir une unité. » (85, p.9).
Rycroft, un grand psychanalyste plutôt indépendant, mais proche de Winnicott écrit que le moi est un concept structural et topique se référant aux parties organisées de l’appareil psychique, à l’opposé du ça inorganisé. Pour les analystes qui n’adhèrent pas à la notion que le moi se développe à partir du ça indifférencié, le moi c’est ou bien la totalité de la psyché, ou bien la partie de la personnalité qui établit des relations avec des objets ou qui se constitue par l’introjection des objets, ou par les deux à la fois; ou bien la partie de la personnalité qui est ressentie comme étant soi-même (oneself) et que l’on reconnaît comme “je”. (69)
La traduction d’ego en moi ne pose pas de problèmes en général aux traducteurs ni aux auteurs. Les définitions données se complètent entre elles, et chaque auteur élargit la notion, mais sans s’opposer au sens donné à leurs définitions.

Le Self
Le self est une notion liée au sentiment d’exister, que l’individu éprouve pendant son développement et à travers toutes les étapes de la vie. Ce sentiment d’exister tient son origine dès la naissance, et à chaque période de la vie il va se renforcer ou se sentir attaqué, selon les conditions de l’environnement.
Avec ce sentiment l’individu construit son identité, généralement à la fin de l’adolescence. La plupart des troubles psychiques sont apparenté avec ce sentiment de non-existence.
L’origine du self est un noyau unique imbriqué entre le corps et la psyché et lié avec une solitude fondamentale propre à chaque individu.

Lorsque Freud introduit la seconde topique, les Français traduisent d’abord “das es” par “le Soi”. Bien que cette traduction se retrouve encore chez de rares auteurs, le terme unanimement adopté est “le ça”, celui de “Soi” étant plutôt réservé pour rendre le terme anglais de “Self” ou allemand de “Selbst ». Par ailleurs dans son travail sur le concept de narcissisme, Freud est amené à élaborer sa recherche autour du sentiment de soi-même (Selbstgefül), de la conscience de soi-même (Selbstbewusstsein), de l’amour de soi (Selbstliebe) ou de l’estime de soi (Selbstachtung) sans pour autant définir le Soi comme une entité particulière de l’appareil psychique, mais plutôt comme la manière dont le sujet s’appréhende.” B. Golse (33, p.211-212)
On trouve souvent dans les textes de S.Freud la référence au soi. Dans « Malaise dans la civilisation », il écrit : « le premier raisonnement dont nous disposons est le suivant: normalement, rien n’est plus stable en nous que le sentiment de nous-mêmes, de notre propre Moi. Ce Moi nous apparaît indépendant, et bien différencié de tout le reste. Mais que cette apparence soit trompeuse, que le Moi au contraire rompe toute limite précise, et se prolonge dans une autre entité inconsciente que nous appelons le soi et auquel il ne sert proprement que de façade, c’est ce que, la première, l’investigation psychanalytique nous a appris; et, d’ailleurs, nous attendons encore maints autres éclaircissement sur les relations qui lient le Moi au Soi.”. (27, p.7)
Il y a aussi dans “Le moi et le ça” un passage qui paraît parler de ce qui deviendrait le self de Winnicot: “Sur l’apparition du moi et sa mise à part du ça, un autre facteur que l’influence du système Pc semble encore avoir agi. Le corps propre et avant tout la surface de celui-ci est un lieu d’où peuvent partir en même temps des perceptions internes et externes. Le moi est avant tout un moi corporel, il n’est pas seulement un être de surface, mais lui-même la projection d’une surface.”(28, pp 270)
J.-B. Pontalis hésite à traduire le “self” par le “soi”. Selon lui, la traduction c’est un “obstacle linguistique qui est aussi un obstacle épistémologique”. Il trouve des différences entre le self anglophone et le soi, francophone: ”Pour rester encore un moment dans l’ordre de l’image, nous dirons que le premier évoque un espace personnel, ou mieux l’expérience de cet espace psychique propre (comme on dit le corps propre), le second, celui d’un arrimage à un repère fixe, marqué de “quant à soi” de for(t) intérieur. Si nous voulons rendre la selfhood, la selfness - le sentiment que ceci est vraiment mien, m’appartient en propre - nous sommes condamnés à recourir au terme savant, dérivé du latin, d’ipséité.”(62, pp.159-161)

Widlöcher croit que, “si des termes comme le Moi ou le Self prennent des sens différents d’une école à l’autre, la question n’est pas de décider quel est le meilleur usage ou quelle est la meilleure description des processus psychiques observés, mais de comprendre pourquoi, à partir d’une expérience commune, la description et la compréhension des mêmes faits observés suscite la construction de différents cadres théoriques” (82, p.60).
Selon N.Sillamy (75, p.1125) “Pronom personnel réfléchi de la troisième personne qui désigne l’individu dans son unicité. Parfois employé en français (H.Bremond, L.Daudet, S.Jankélévitch...) comme équivalent du terme freudien Es, on lui préfère habituellement l’expression ça (id en anglais) pour désigner l’ensemble des pulsions instinctives et des contenus qui sont refoulés.”

Dans le définitions de Doron et Corman, on aperçoit deux notions qui contrastent l’une avec l’autre. Doron, écrit: “Dans l’esprit de l’école anglaise, le soi représente la personne en tant que lieu de l’activité psychique dans sa totalité. Dans l’autre perspective, issue de l’Ego psychologie américaine, le soi est assimilé à l’objet de l’investissement narcissique.”(16, p.638). Cette idée est opposée au concept de Corman (8) qui écrit,”...Le Soi, c’est l’inconscient dans sa sauvagerie première, les tendances à l’état brut...”.C’est cela qui fait que le sujet s’oppose à l’objet, au monde externe. C’est bien différent de l’investissement narcissique du soi, qui lui, serait inconscient.
Pour certains auteurs, il n’y a pas de doute que la traduction de self est le soi. Pour d’autres, la traduction a posé des problèmes et finalement une grande partie des psychanalystes ont opté pour garder le mot self, pour ne pas s’éloigner de la notion anglo-saxonne.

Le self dans le courant de l’ego psychologie
Avec le développement de la notion de Self, on parle d’un nouveau courant, appelé
« self psychologie », issue du terme Ego Psychologie.
Heinz Hartman dans son essaie de clarifier la frontière entre le moi et self, écrit en 1939: « Nous nous sommes retenus d’indiquer à quel moment de la première enfance prennent place les divers stades qui mènent à la différenciation structurale et à partir de quand les systèmes psychiques du ça et du Moi s’opposent et se suppléent l’un l’autre...La première étape, qui est aussi la plus importante, est celle qui concerne l’aptitude de l’enfant à distinguer entre son Soi et le monde qui l’entoure.”(40, pp49-50).
Edith Jacobson continue d’élaborer le concept de self et à séparer le moi du soi: “Les concepts de “soi” et de “représentations du soi”, en tant qu’ils se distinguent du concept du “moi”, prennent un sens précis, quand nous nous rappelons que le système du moi s’établit en même temps que la découverte du monde objectal et la distinction grandissante entre celui-ci et le soi physique et mental du sujet. A partir des traces mnésiques toujours plus nombreuses, concernant les expériences pulsionnelles affectives, fantasmatiques et fonctionnelles, agréables ou désagréables, ainsi que les perceptions qui s’y associent, se forment les images des objets d’amour et celles du soi corporel et psychique. D’abords imprécis et mouvants, ces images se développent pour devenir des représentations endopsychiques, cohérentes
Hartmann, Kris et Loewenstein en 1946 écrivaient :”Nous remplaçons le mots “Moi” dans le textes de Freud par le mot “Soi”. Nous faisons ce remplacement puisque le Moi est défini comme une partie de la personnalité et que Freud utilise ce terme de façon ambiguë. Il utilise “Moi“ en se référant à une organisation psychique, et à la personnalité entière.”(39, p.43).
Erik Erikson considère que son concept d’identité, renferme beaucoup de ce qui a été appelé “self” par d’autres auteurs. Il pense que l’identité contient deux aspects: un qui se réfère au self et un autre qui se réfère au moi et est lié à la fonction synthétique de ce dernier. Si le moi est conçu comme une instance d’organisation centrale et en partie inconsciente, il doit à chaque stade de la vie compter avec un soi changeant qui demande à être synthétisé avec le soi abandonné et anticipé. (18, pp.224)
H. Kohut se détache avec autonomie de Hartmann, il dit que le ça, le moi et le sur-moi sont, en psychanalyse, les éléments constituants de l’appareil psychique, c’est-à-dire d’un modèle spécifique hautement abstrait, distant de l’expérience. Cet autre contenu de l’appareil mental qu’est le soi émerge dans la situation de la cure à la manière d’une abstraction psychanalytique de niveau relativement peu élevé, c’est-à-dire assez proche du vécu. De plus, étant une structure psychique, le soi a également une localisation psychique. (47, p.7).



Le self dans le courant Kleinien
Mélanie Klein, situe le Soi en rapport avec sa définition du Moi qui est donné dès la naissance au lieu de se différencier du ça au contact avec la réalité. Le Soi représente pour elle l’unité fondamentale du sujet, il recouvre la personnalité toute entière, en comprenant non seulement le Moi, mais toute la vie pulsionnelle que Freud appelle le ça. Le Soi n’est dons pas seulement la représentation de la personne dans le psychisme mais l’ensemble de la personnalité dans la réalité.
Il existe dès la naissance comme support de toute activité de l’individu et antérieurement à tout clivage.
Au cours des processus d’intégration du Moi, le Soi est soumis à des phénomènes de clivage.
Lors de la position paranoïde, les bonnes parties du Soi identifiées au bon sein se regroupent pour former le Moi archaïque, qui demeure ainsi séparé par le clivage des mauvaises parties du Soi.
Puis lors de la position de la position dépressive, « le Moi deviens capable de reconnaître et d’intégrer les mauvaises parties du Soi, sadiques, avides ou envieuses, ce qui entraîne enfin la réunification du Soi et permet au sujet d’être soi-même. » (34, pp213)

En 1960, Winnicott écrivait :”En lui-même ce concept n’est pas nouveau. Il apparaît sous différentes formes dans la psychiatrie descriptive et surtout dans certaines religions et certains systèmes philosophiques”. (85, p.115).
Selon Grinberg : “le self a une dimension temporelle que comprennent les phases changeantes de l’enfance, l’adolescence et la vie adulte.” (36, p.237),
Jeannine Kalmanovitch avait des difficultés à traduire le self en français. Quand elle mentionne le soi, elle croit ne pas “parvenir à un énoncé global” du concept de Winnicott. Alors Winnicott essaie dans un lettre de préciser davantage ce concept; “Le self se trouve placé dans le corps par nature; toutefois dans certaines circonstances, il s’en dissocie ou vice-versa...”. Le self serait “une unité qui est à la fois physiquement contenue à l’intérieur de la peau corporelle et psychologiquement intégrée.”(7)
Rycroft, qui est proche du courant Kleinien distingue deux utilisations du mot self: “1.Employé seul : le sujet considéré comme agent, comme étant conscient de sa propre identité et de son rôle en tant que sujet et agent ».
2. Partie d’un mot composé: le sujet regardé comme objet de sa propre activité.
Le self diffère du moi de la théorie psychanalytique du fait que le self se rapporte au sujet tel qu’il se ressent, qu’il se vit, tandis que le moi se rapporte à sa personnalité en tant que structure à propos de laquelle on peut faire des généralisations impersonnelles; et du fait que le moi, tel qu’il est défini par Freud, contient des parties refoulées (refoulement) inconscientes qui ne peuvent pas être reconnues par le self comme parties de lui- même.” (itself).(69,p.224-225)

Le self dans le courant de la psychologie expérimentale
Un des précurseurs de ce courant dans l’histoire de la psychanalyse est John Bowlby, il est psychiatre, psychanalyste, né en 1907, il travaille dans la Tavistock Clinick de Londres.
Dans un article intitulé “La Psychanalyse comme art et science” J.Bowlby parle du travail que Mme Ainsworth a réalisé sur les mères et les enfants en Uganda. Elle a développé la notion suivante: une mère dévouée fournit à l’enfant une base de sécurité à partir de laquelle il peut explorer et à laquelle il peut retourner s’il est inquiet ou s’il a peur.
Il apparaît que, quand les enfants sont sujets à des mauvais soins maternels, mêlés de temps en temps à un total rejet, et ensuite à une séparation, les effets sont déplorables.
L’auteur veut illustrer ce point en considérant les problèmes étiologiques et thérapeutiques présentés par certains types de patients décrits comme ayant un faux “self”. (5)
Cet auteur appartient au courant de la Psychologie expérimentale, qui à la fois va inaugurer un sous- chapitre de la pédopsychiatrie appelée « La théorie de l’attachement ».
A partir de cette théorie une série des chercheurs canadiens et américains ont décrits des travaux très importants dans la compréhension de l’origine de la vie psychique et relationnelle du très jeune enfant. On retrouve entre autres Fonagy. Il a fait une recherche, où il étudie l’histoire des mères avec des carences affectives importantes et la relation avec leurs enfants. Il décrits le concept de « Réflective Self » : c’est la capacité chez ces mères de considérer leur enfant comme un être personnel unique, un être à part entier, c’est la capacité de distanciation de leur enfant, même s’ils sont une histoire de déprivation et carences. Fonagy disait que cette capacité de Réflective Self, est une capacité d’insight chez l’adulte, ou capacité de ne pas projeter sur l’enfant sa propre enfance traumatique, ce processus joue un rôle de protection par rapport à transmission ou à la non transmission de l’insécurité chez l’enfant. Fonagy dit que le facteur principal dans le mécanisme de la transmission est la sensibilité maternelle. (Gauthier Yvon, Conférence du 26.03.1998, Hôpital de Cery, Lausanne).
D.Stern se trouve dans ce courant de la Psychologie expérimentale. Il écrit que le soi et ses limites sont au coeur de la spéculation philosophique sur la nature humaine. Le sens de l’autre, est un phénomène universel qui influence profondément toutes nos expériences sociales.
Bien que personne ne puisse se mettre d’accord sur ce qu’est précisément le soi, nous avons néanmoins en tant qu’adulte un sens de soi très réel qui infiltre notre expérience quotidienne de la vie sociale. Il se révèle sous différentes formes. Il y a le sens d’un soi qui est un corps unique, distinct et intégré. Il y a celui qui est l’auteur des actions (the agent of actions), éprouve des sentiments, conçoit des intentions, est l’architecte des projets, celui qui transpose l’expérience dans le langage, communique et partage son savoir personnel. Le plus souvent, ces différents sens de soi existent en dehors de la conscience, comme la respiration, mais ils peuvent être amenés à la conscience, y être conservés. Nous traitons instinctivement nos expériences de telle façon qu’elles sembles appartenir à une sorte d’organisation subjective unique que nous appelons communément le sens de soi (77, p.16-17).
La notion de self est une notion anglo-saxonne au départ. Dans la littérature anglo-saxonne la définition de self est plus claire et plus étudiée.
Aussi retrouve-t-on ce concept dans les plus importantes écoles psychanalytiques d’Amérique latine (Argentine et Brésil) où les auteurs en général ont gardé le terme anglais de self.

IV. Textes fondateurs : le faux self et la personnalité « comme si »
Définitions
A-Le Faux self : Donald Winnicott décrit le faux self en 1960, dans un article intitulé “Distorsion du moi en fonction du vrai et du faux self” (85 p.115).
Il parlait déjà du faux self en 1954 dans une lettre dirigé à Clifford Scott (81, p.100-104)
Selon Winnicott il est possible de définir cette notion comme suit:
C’est une défense spécifique que constitue le maintien du “self”, autrement dit le développement d’un “self” qui préserve l’organisation d’un aspect de la personnalité qui est faux (faux dans la mesure où ses manifestations tirent leur origine non de l’individu, mais de l’aspect “maternage” de l’association mère-nourrisson).
Il s’agit là d’une défense dont le succès peut être à la source d’une nouvelle menace pour le noyau du “self”, bien qu’elle se constitue pour cacher et protéger ce noyau. Pour de nombreux enfants, l’utilisation de défenses, en particulier celle d’un faux “self” bien établi, leur permet de paraître prometteurs, jusqu’a ce que se révèle à l’occasion d’une crise l’absence d’un vrai self. (84, pp.12-13).
Winnicott classe le faux self en 5 degrés
1°- Le vrai self est totalement dissimulé. C’est le degré le plus extrême.
2°- Le faux self défend le self authentique. C’est l’exemple plus clair d’une maladie clinique, organisée dans un but positif: la préservation de l’individu en dépit des conditions anormales de l’environnement.
3°-Un degré plus proche de la santé : le faux self a pour but principal la quête des conditions qui donneront au vrai self la possibilité de recouvrer son bien. Que le doute intervienne et le résultat clinique est le suicide.
4°-Un degré plus proche de la santé : le faux self s’établit sur la base d’identifications.
5°-Dans l’état de santé : le faux self est représenté par toute l’organisation qui constitue une attitude sociale polie, de bonnes manières et une certaine réserve. (85, p.118).

B - Personnalité “comme si”.
Décrit par Hélène Deutsch en 1934, dans “Die Internationale Zeitschrift für Psychanalyse”, sous le titre “Uber einen Typus der Pseudoaffektivität (“als ob”) 14, et traduit dans “La psychanalyse des névroses” (15).
“La psychanalyse dévoile que chez l’individu “comme si”, il ne s’agit plus d’un acte de refoulement, mais une perte réelle de l’investissement d’objet. La relation apparemment normale avec le monde correspond à l’esprit d’imitation de l’enfant et c’est l’expression de l’identification avec le milieu environnant, un mimétisme qui aboutit à une adaptation apparemment bonne au monde de la réalité, malgré l’absence d’investissement d’objet.”
L’observateur analytique se rend vite compte que toute trace de chaleur est absente de ces relations. La première caractéristique de ce type de personnalité est donc qu’elle se comporte dans l’existence comme si sa vie affective était normale, donc pleinement ressentie. (14).
“D’autres conséquences d’une telle relation à la vie sont : une attitude totalement passive à l’égard du milieu environnant, avec une vivacité très plastique à relever les signaux dans le monde extérieur et à se modeler et modeler son comportement en conséquence.
Le même vide et la même absence d’individualité, tellement évidents dans la vie affective, apparaissent aussi dans la structure morale. Complètement dépourvue de caractère, totalement sans principes au sens littéral du terme, la morale des individus “comme si”, leurs idéaux, leurs convictions sont simplement le reflet d’autres individus, bons ou mauvais.” (14)

V: Autres concepts
A- Le faux self en thérapie :
Le faux self se développe à partir de la naissance, quand l’être humain est dépendant et vulnérable à l’extrême (85). L’enfant a une mère et un environnement qui n’ont pas pu répondre à ses besoins, ce nourrisson n’arrive pas à mobiliser des ressources pour s’adapter à cet environnement hostile. Il y a un échec d'adaptation originel, entre l’enfant et l’entourage.
La mère n’a pas pu soulager les “angoisses inimaginables” (85) du bébé. Ces angoisses peuvent réapparaître à l’âge adulte.
On peut à l’occasion d’une crise diagnostiquer ce faux self, le traiter, et éventuellement retrouver le vrai self. Le modèle thérapeutique par excellence pour traiter le faux self est la psychanalyse. Comme dit Leon Grinberg (35) c’est la régression dans le cadre d’une analyse qui fournit le matériel d’investigation, la claire compréhension du vrai et faux self permet à la régression d’être un mécanisme de guérison à travers lequel une personne reste en état potentiel jusqu’à ce qu'un changement dans son environnement lui permette d’essayer de corriger l’échec d'adaptation originel.
Dans une analyse ou une psychothérapie d’orientation psychanalytique un “essai de corriger l’échec d’adaptation originel” serait de retrouver son vrai self, par exemple quand le patient est capable de découvrir son inconscient, le fait de retrouver un passé traumatique qui a pu changer “ce vrai self” originel, donne un sentiment de consistance et authenticité, qui manque au “faux self”. On retrouve cette notion chez Claire Winnicott, dans la description d’un travail analytique d’une jeune patiente. C’est à la fin de l’analyse que les angoisses de la jeune femme se sont apaisées et on peut imaginer une possibilité de guérison, dit la psychanalyste (84).
Dans certaines psychothérapies inspiré de la psychanalyse, comme le rêve éveillé dirigé on trouve la notion de faux self. C’est dans un article que Michael Stigler décrit une jeune fille en se réveillant de son état hypnoïde, Diane aussi est rayonnante : « et ça, c’était ma naissance! “... “Et elle se sent comme re-née” (78).
Il semble avoir une solitude fondamentale assez tôt dans la vie de l’être humain, que dans certaines circonstances réapparaît sous la forme d’une grande douleur psychique.
Alice Miller fait référence à cet état quand elle écrit : “Je me demande parfois s’il nous sera un jour possible d’appréhender l’étendue de la solitude et de l’abandon auxquels nous avons été exposés étant enfants et auxquels nous le sommes donc intrapsychiquement encore en tant qu’adultes. Je ne parle pas en premier lieu de l’abandon extérieur, des séparations réelles qui peuvent bien entendu avoir des conséquences traumatiques, je ne pense pas non plus aux enfants qui ont manifestement été délaissés ou même abandonnés, qui l’ont toujours su et ont au moins grandi avec cette vérité.
Mais il reste tous ceux qui avaient des parents différenciés, dévoués, encourageants, et qui souffrent pourtant de troubles narcissiques et de dépressions graves…
Il s’agit de patients qui avaient beaucoup de possibilités et de talents, qu’ils ont d’ailleurs développés et qui ont souvent été admirés pour leurs dons et pour leurs performances....Ils réussissent tout ce qu’ils entreprennent, parfois même de manière extraordinaire, ils sont admirés et enviés, ils ont du succès là où ils le veulent, mais tous ça ne sert à rien. La dépression, un sentiment de vide, une impression d’aliénation, d’absurdité de l’existence les guettent et les envahissent dès que la drogue de la “grandiosité” leur fait défaut, dès qu’ils ne sont pas on top, qu’ils ne sont pas la vedette, ou qu’ils ont le sentiment de ne pas être à la hauteur d’une image idéale qu’ils se sont faite de leur Soi.”57, pp.16-17.

Le Dr Lopez Rosende a remarqué que les patients ayant un faux self vont se sentir malheureux déjà du fait de ne pas se sentir réels et authentiques. Ils n’ont pas d’idée sur leur self, s’il est vrai ou faux. L’individu ne sait pas pourquoi il souffre, mais il va se sentir triste, frustré ou même déprimé. Il va présenter des symptômes (entretien avec le Dr Lopez Rosende, Buenos Aires. 18.08.97).
Plusieurs exemples suggèrent que le faux self correspond à une réalité clinique.

B-Vrai self : Winnicott a décrit le vrai self comme “le geste spontané de l’enfant” (85). ”Le vrai “self” provient de la vie des tissus corporels et du libre jeu des fonctions du corps, y compris celui du coeur et de la respiration. Il est étroitement lié à l’idée du processus primaire et, au début, par essence il n’a pas à réagir à des stimuli extérieurs; il est simplement primaire...Le vrai self apparaît dès qu’il existe une quelconque organisation mentale de l’individu et il n’est pas beaucoup plus que la somme de la vie sensori - motrice.” (85, pp.126)
Christopher Bollas dit “au sein de notre vrai self, nous sommes fondamentalement seuls...le noyau absolu de l’existence d’un individu est une solitude sans mots et sans images.” Ce vrai self serait un précurseur du moi. “Par conséquent, toute opération du moi qui aura lieu dans la vie adulte sera inévitablement une sorte d’amalgame entre le vrai self et les négociations de ce vrai self avec le monde “ (4, pp.38).
Winnicott et beaucoup d’autres analystes soutiennent que le travail analytique commence seulement quand l’analyste peut communiquer avec le vrai self du patient. Si le thérapeute analyse seulement le faux self, la thérapie risquerait de devenir inutile. “...on pourrait énoncer le principe que nous progressons davantage lorsque nous reconnaissons la non existence du patient que lorsque nous travaillons longuement, de façon continue, avec le patient, mais sur la base des mécanismes de défense du moi” (85, p.130).

C- Historique. Personnalité “comme si”: André Haynal signalait que ce concept appartient à une époque et à une école différente que le concept du faux self. (M.S.K entretien avec le Dr Haynal, Genève 2.05.97)
Le seul concept “comme si” qui existait à cette époque, c’était un concept philosophique décrit par un philosophe allemand, Hans Vaihinger (1852-1933).
Dans un article intitulé “Als ob” es Freud wäre..., Gerharg Fichtner analyse la relation de la philosophie de Vahinger avec la psychanalyse. Ce philosophe devient célèbre avec son livre publié en 1911 sous le titre “Une philosophie du Comme si”. Vahinger voulait démontrer l’existence et l’utilité universelle des fictions, dans toutes les sciences et dans la vie même. Fiction signifie pour lui des “notions ou jugements consciemment faux”. Voici ses propres paroles: “créer une théorie universelle, c’est-à-dire une anatomie et physiologie, et respectivement une biologie du “comme si”. Comme affirment les philosophes, Vahinger analysait “la destination biologique des fonctions intellectuelles” (25). Mais H. Deutsch insiste sur le “fait que ce nom n’a rien à voir avec le système des “fictions” de Vaihinger et la philosophie “comme si” (15, p.224).
En psychanalyse on connaissait à cette époque le trouble de l’hystérie, le narcissisme, la névrose et la psychose. H. D parlait de la psychologie du moi et du problème “schizoïde”.
Mais les troubles qu’elle découvre chez ses patientes “comme si” “ne font pas partie des formes communément acceptées de la névrose et ils sont trop bien adaptés à la réalité pour être appelés psychotiques” (15, p.238). Elle définit là l’état intermédiaire qui va être appelé quelques années plus tard comme état limite ou personnalité borderline.
Marcelli D.(1983), Meissner W.W (1982), Espina A. (1990) et beaucoup d’autres auteurs vont inclure ce concept dans le grand groupe de la personnalité limite .

VI- Revue de la littérature.
A - Dans la revue de la littérature on peut distinguer 4 sous groupes .L’idée de distinguer des groupes est un essai de visualiser les travaux
1- Travaux consacrés uniquement au faux self.
2- Travaux consacrés uniquement au “comme si”.
3- Travaux consacrés aux deux notions, sans les différencier.
4- Travaux consacrés aux deux notions, et qui font la différence.

1- Travaux consacré uniquement au faux self.
Ces travaux correspondent à des publications entre 1979 et 1994, et publiés dans les journaux analytiques et psychiatriques plus importantes des USA, Europe et Amérique du sud. Dans toutes ces grandes écoles analytiques la notion de faux self est appliqué et utilisé dans la réflexion clinique.
1-Travaux consacrés uniquement au faux self.
Parmi les auteurs intéressé à la relation précoce mère enfant se trouve Julio Mello, il a défini le faux self comme une technique adaptative du nourrisson face aux faillites de la mère à reconnaître ses nécessités les plus authentiques. De cette façon, le nourrisson se plie ou se concilie avec la mère, en adoptant le comportement qu’elle attend de lui. Cet auteur se demande à quel moment de la vie émerge une structure de faux self et quels sont les métiers qui favorisent le maintien de ce comportement. Il ajoute que le groupe d’observation de la relation mère enfant (Société des psychanalystes du Brésil) a remarqué ce type de réaction quand il y a une stimulation intellectuelle trop précoce de l’enfant par les parents.
Il a observé que les grands obèses fonctionnent avec un faux self corporel, corrélatif au faux self mental. L’obésité représente une carapace qui protège le vrai self fragile et mal structuré. (56)
Dans la même société analytique (Brésil) se trouve Eloisa Rubello Valler. Elle décrit que le faux self est le résultat de l’anéantissement du self du nourrisson. Un de ces moments peut arriver à la naissance. Le self du bébé (qui à ce stade est à peine un potentiel) expérimente à la naissance comme une invasion de l’environnement. (80)
Les divergences entre le self et le développement normal et pathologique du self, peuvent se définir dans la nature de la théorie de la relation à l’objet. L’interaction entre la mère et le bébé est vu comme un objet de relation très important, l’anxiété primaire est la perte du self; la capacité de maintenir un sens du self intègre est la tache principal du développement de l’enfant; un faux self existe déjà avant l’individuation, et un vrai self basé sur l’intégration du souhait inconscient, peut être réalisé pendant la thérapie psychanalytique. (11)
La plupart des auteurs font mention du faux self pendant le traitement psychanalytique. Il y a dans la cure analytique des étapes ; dans une étude sur les problèmes techniques dans l’analyse des patients schizoïdes, on se réfère aux cinq degrés du faux-self et leur relation avec une pathologie spécifique. Il est décrit plusieurs étapes dans le traitement analytique.
Dans des phases avancées d’une analyse, on va vivre avec le patient les risques et vicissitudes déterminées par son passage graduel au niveau 3, liés à la position dépressive, ce qui le met devant l’alternative suivante: faire des progrès et poursuivre son chemin dans un milieu favorable, “qui donne la facilité”, ou bien s’autodétruire. Le choix se portera sur l’autodestruction, préférée à la vie sans vie, une fois qu’il a pris conscience de ce manque de vie.
On voit que la personnalité de l’analyste joue un rôle important, et le sort de l’analyse va dépendre du degré de résolution des conflits les plus primitifs de l’analyste, lié à son propre narcissisme et à sa capacité d’amour objectal. (59)
Le faux self qui se répète dans un faux self analytique (pendant la cure analytique), est lié aux failles maternelles, qui ont créé un faux self infantile.
En analyse le langage est autant important que les lacunes de la parole. Ces lacunes, les intervalles, autorisant la régression, favorisent cette conscience intermédiaire qui rend possible l’insight, la créativité et la levée partielle du refoulement.
Certaines modalités nécessitent une écoute plus fine, et n’ont pas été repérés d’emblée par les analystes, habitués à croire en la vertu du langage associatif. Dans un premier temps, ces sujets furent baptisés personnalités narcissiques, névroses de caractère ou de comportement, voire suspectés de psychose latente, et considérés surtout comme des contre - indications absolues ou relatives à l’analyse.
Mis à part Ferenczi, le grand précurseur, les premiers qui s’intéressèrent à la cure de ces sujets difficiles furent Fairbairn (1940, 1952) et Winnicott (1949 - 1960), qui décrivirent respectivement les personnalités schizoïdes et les sujets dotées d’un faux - self
Autres cas limites, plus récemment reconnus, qui eux aussi présentent une difficulté d’expression des affects, les sujets atteints d’affections psychosomatiques, et dotés d’une pensée opératoire. La pensée opératoire, qui est en fait une parole opératoire, induit une communication actuelle, conforme et sans affects, purement objective car ne se référant qu’a des objets externes, sans profondeur symbolique ni fantasmatique.
En fait, la parole opératoire n’est pas si éloignée de celle des sujets narcissiques ou schizoïdes, ou des personnalités dotées d’un faux – self (17).

Juan M. Lopez Rosende s’intéresse aux différences qui existent entre les symptômes et les troubles du caractère.
L’auteur fait mention de différents travaux qui décrivent les caractères pathologiques, et croit qu’il s’agit de diverses modalités d’adoption d’un aspect du faux self à des fins défensifs.
Il a observé que plus la désorganisation du self est grave, plus l’individu fait appel à son faux self comme mécanisme protecteur ou défensif. Pour affronter une psychothérapie appropriée, il est nécessaire de détecter les différents “moments” par lesquels le patient passe pendant son traitement.
L’auteur croit que l’analyste doit s’adapter et adapter “les techniques” dans les différents stades que traverse le patient. Si l’analyste reste sur un seule technique, on verra des patients avec le risque d’entrer dans une “impasse” psychanalytique.
Et si la situation devenait chronique, il peut se produire un pseudo processus interminable, où on observe une apparence de progrès ou de changement authentique. L’auteur cite l’exemple d’un patient, qui avait eu un pseudo processus analytique. Ce patient ne pouvait pas élaborer un insight, dû probablement au fait qu’on analysait à partir de son faux self suradapté. Quand le trouble de caractère est significatif en intensité, il va se passer longtemps avant que le patient “ose” se confier à son thérapeute. Il va d’abord le soumettre à des épreuves dans sa capacité d’empathie, lesquelles vont mobiliser une ample gamme de réactions de contre-transfert. Si le thérapeute “survit”, le patient va pouvoir céder et déléguer à l’analyste son faux self protecteur. Autrement dit il est capable d’abandonner ses positions défensives, de se sentir contenu par ce lien humain, pour se confier à lui et commencer à se montrer sans réserves. C’est maintenant qu’on voit “le caractère de base” (ce que Winnicott aurait appelé le vrai self) avec son cortège de convictions erronées, mais profondément enracinées et egosyntoniques. Les interventions de l’analyste donnent la possibilité au patient de se connaître lui même, puisque sa capacité de réflexion est très restreinte dues aux sévères failles de son self.
Cette tâche pédagogique, ou éducative, n’est pas anti-analytique dans la mesure où elle reflète la capacité réelle du patient. (51).
La remarque de Winnicott, Lopez Rosende, et d’autres auteurs sur le risque d’impasse dans le processus analytiques avec des patients très perturbés est souvent signalée.
Autre possibilité serait le repli dans une acceptation d’un faux self analytique chez le psychanalyste, ce danger existe dans toute relation thérapeutique, quand le narcissisme du thérapeute l’empêche de percevoir le monde interne du patient. Souvent le thérapeute veut comprendre son patient à partir des théories existantes : il faudrait construire les théories (éventuellement) après une écoute attentif de l’analysé, et pas l’inverse (MSK entretien avec Lopez Rosende)
Dans un étude du processus analytique de l’Homme aux Loups, il a été décrit chez Serguei Costantinovitch (l’Homme aux Loups) un repli comme une acceptation du faux self analytique, qui servait à satisfaire Freud, mais qui a laissé le royaume intérieur du patient intact (55).
Jean-Mathias Pré-Laverrière analyse l’étude de Freud sur la reconstruction de l’histoire émotionnel de l’analysé, dans ”Constructions en analyse” (1937). Cette construction, produite par la poussée du refoulé, formation de compromis avec la résistance, deviendra vérité historique par le travail de l’analyse. Mais, si la vérité historique concerne quelque chose d’effroyable qui a eu lieu hors langage, comment le psychanalyste peut-il la dégager et la faire reconnaître? L’auteur soutient que la résistance est une manifestation du faux-self au sens de Winnicott.
Le transfert et l’analyse du transfert permettent le démasquage du faux-self; il devient possible de “croire à la réalité extérieure” au lieu de la dénier ou de s’en servir comme dénégation.
On peut croire à la réalité quand elle devient représentable, c’est-à-dire quand elle peut être distinguée de l’irréel.
Le réel n’est pas représentable, mais il peut être mis en mots par le travail de l’analyste (61).
Certains auteurs trouvent que les critères qui caractérisent la notion de faux self correspondent à d’autres états pathologiques ; le masochisme par exemple, dans certaines circonstances est le résultat de la distorsion ou de la perversion d’une profonde demande de capitulation.
Une recherche d’être connu, reconnu et “pénétré”, souvent représente l’échec d’un souhait pour démanteler le faux self. E.Ghent veut faire remarquer qu’il existe, (même si cela est profondément enterré ou gelé), une demande pour quelque chose dans l’environnement qui puisse rendre possible la capitulation, dans le sens d’accommodement, de faux self.
Chez certains patients la rage est attribuée aux fixations orales agressives, aux demandes omnipotentes associées avec les structures archaïques du self. (30).
Les patients avec un développement du moi rabougri et une manque de profondeur et vitalité, ne présentent pas toujours des symptômes ; ils peuvent avoir une apparente immunité à l’anxiété avec une fonction et une aptitude à se rétracter dans la fantaisie (ou fantasme). Diverses théories expliquent ce lien entre un self défensif et dévalué et un autre idéalisé.
Dans ces théories la structure psychique inclut :
1) un self rétracté (retiré) ou dissocié, qui représente un self arrêté, mais infantile et valide,
2) un faux self qui représente un pouvoir pseudo-adulte et confortable contre les conflits, spécialement ceux lié à l’impuissance. (31)
Dans un groupe des travaux sur le choix de certaines professions, il est décrit une relation entre un faux self précoce et certaines professions. Sur les motivations pour devenir des “professionnels d’aide”, par exemple les infirmières, psychologues, assistants sociaux, prêtres, on signale que ces “futurs professionnels” perçoivent déjà, tôt dans la vie, que leurs parents (surtout leur mère) ont besoin d’eux (ou d’elles) pour maintenir leur équilibre narcissique. Il y a une relation entre la motivation à devenir un “professionnel d’aide “ et l’acceptation du faux self, tel que le conçoit Winnicott. Si l’enfant peut aider la mère à maintenir son équilibre, alors il obtiendra finalement le maternage dont il a besoin. Quand bien même si l’enfant ne sera jamais certain d’être aimé et voulu pour lui-même, il éprouvera de la sécurité à voir qu’il est apprécié parce que l’on a besoin de lui. (38)
Dans des traitements chez des prêtres, un fonctionnement de type faux self est décrit. Il semble que l’individu avec des carences affectives précoces, cherche toute sa vie les éloges et l’admiration. Cette recherche n’est pas seulement provoquée par la nécessité de régulation extérieure de l’estime de soi, mais plus encore par le désir de se sentir réellement existant et lié avec d’autres personnes. Le faux self, avec le trouble narcissique, se montre susceptible d’attaques dépressives, qui peuvent alterner avec des périodes de sensation de supériorité. (46)
Chez les athlètes et sportives d’haut niveau il est analysé le courage, semblable à la peur dans la préadolescence. Le courage entendu comme négation et comme élaboration de la peur, met l’individu dans une situation de danger. Dans le cas des sportifs c’est un “faux courage” car celui-ci ne constitue ni un état d’absence de peur, ni une élaboration adéquate du danger, et il représente essentiellement une forme de défense contre la peur.
Vu comme une structure caractérielle, le faux courage pourrait probablement être mis en rapport avec une organisation du genre “Faux-self” décrit par Winnicott. Le faux courage devient une fonction du faux-self pour défendre le vrai-self de la peur et du danger. Le sujet ne supporte pas l’émotion de la peur, ou n’accepte même pas l’idée qu’elle pourrait exposer le vrai self à un état de faiblesse. (76).
Le choix d’une profession, mais aussi d’autres choix, comme une identité sexuelle, et finalement l’affirmation de la personnalité, se fait à l’adolescence, ou dit autrement est une tâche de l’adolescent. Guntrip affirme que la première conduite de chaque personne humaine est de devenir une “personne”, d’achever la formation d’un moi solide et cela peut seulement arriver par le moyen de la relation objet- personne (Guntrip 1969). Selon lui, la plus grande crainte de l’homme est de devoir affronter la vie avec un moi fragile “celui-ci n’est pas une vraie personne ».
Ce moi fragile était le résultat des adaptations précoce à la déficience parentale qui interfère avec le développement psychosocial et la formation de l’identité. La théorie de Winnicott sur la distorsion du moi en terme de vrai et faux self fournit une base de travail conceptuel et utile pour le diagnostic et le traitement de ces cas avec une identité fragile (44).
Dans une étude sur la musique pop, Hoffman Joseph affirme que la sonorité et la qualité communicative de cette musique, touche le vrai self de l’individu.
Chez les adolescents la musique pop peut remplir la fonction de toucher le vrai self. Dans ce cas, elle peut aider l’adolescent en crise à maintenir son vrai self. Le vrai self se fait à partir des fonctions corporelles, comme le travail du coeur et signifie l’entier de la vitalité sensori - moteur.
Le faux-self est construit à la base d’une soumission, et représente l’entourage de l’individu. Dans l’être humain, c’est la faculté de pouvoir renoncer à l’omnipotence et au processus primaire. Par contre, il obtient une place dans la société. Le self qui est soumit, est capable d’accepter des conventions sociales et dans la communication explicite, emploie le langage. Par contre, le vrai self est muet vis à vis de l’extérieur. Sa communication est intérieure et, comme la musique pop, absolument personnelle.
La relation entre le vrai et le faux-self qui se base sur des compromis, se transformé et se trouve en crise à la puberté.
La musique pop offre un moyen communicatif excellent pour exprimer les tensions et changements dans la relation entre le vrai et faux-self. Dans le cas favorable, elle peut aider le vrai self pour de nouveaux compromis (41)
Il ne serait pas toujours facile de saisir la notion de faux self. Il s’agit d’une sorte d’écran artificiel entre le vrai self caché, protégé et l’environnement quand celui-ci est de mauvaise qualité, trop intrusif. Contrairement au vrai self, le faux self n’est pas créatif, ne donne pas à l’enfant le sentiment d’être réel. Il peut être à l’origine d’une construction défensive contre la crainte d’un effondrement et représente le concept qui fait le lien entre le développement normal et le champ du pathologique (53).

Dans les traitements des enfants perturbés ont fait souvent recours à la notion de faux-self, comme un des mécanismes qu’ont conduit à la construction des symptômes sous forme de différentes pathologies. Ils viennent en consultation pour dépression, problèmes sur l’estime de soi, manque de confiance et peur d’abandon.
Dans un article sur le développement du self de l’enfant adopté (50), ces symptômes sont analysés.
On demande à l’enfant adopté de ne pas reconnaître la réalité, de vivre comme s’ils étaient nés de leurs parents adoptifs. L’identité de la vraie mère et du vrai père lui est niée.
Pour survivre, l’adopté se divise; il forme ce que l’auteur appelle un self adopté, qui est composé d’un faux self et d’un Self interdit. Le Faux-Self essaie de s’adapter à ceux que l’on attend de lui. C’est un prix élevé aux dépens de sa propre intégrité.
Le faux self devient soumis. L’enfant se comporte comme s’il était né dans cette famille. Le self interdit, le self qu’on doit pas exprimer est étouffé a fin de préserver l’authenticité. Un enfant adopté, peut changer, pendant le développement entre son self interdit et son faux-self. Pour arriver à être complet, autrement dit pour former un self avec un sens authentique, il doit être capable d’intégrer la vérité sur son héritage perdu et sur son identité d’adopté.
C’est paradoxal de parler du sens du self des enfants adoptés, quand la majorité sent qu’ils n’en ont pas. (50)
Chez les enfants émigrés une étude montre que les dénominateurs communs, sont le désinvestissement, la dépression, des rapports au corps perturbés et une présentation souvent conformiste évoquant un fonctionnement de faux self, (2).

Un deuil pathologique de la mère suite au décès d’un enfant, peut conduire l’enfant « survivant » à fonctionner avec un faux self.
Dans une étude sur le monde intérieur du poète Rilke, il est suggéré qu’il a fonctionné avec une organisation du faux self, qui a simultanément engendré son retrait social et son inspiration poétique.
Sa naissance a eu lieu immédiatement après le décès d’une petite soeur. Jusqu’à l’âge de 7 ans, Rilke se soumettait à la fantaisie morbide de sa mère. Pour elle, il n’était pas lui-même, mais plutôt une réincarnation de sa défunte soeur.
Une étude des lettres et des principaux textes et poèmes de Rilke révèle une profonde difficulté à maintenir les limites entre son self et celui de l’autre. Le poète décrit des épisodes dissociés: “Je me suis perdu dans l’infirmité et je suis comme une place vide, je ne suis pas”.
L’auteur affirme que le sens inné des valeurs et de l’identité est extrinsèque et déterminée, de tels enfants se sentent perdus et loin de la réalité une fois adultes, ils endurent un sentiment de vide et une compulsion à se conformer aux exigences de l’entourage. (74)

Dans la période d’évaluation au moyen des tests projectifs les éxaminteurs font allusion au fonctionnement faux-self dans l’analyse des protocoles du TAT et Rorschach . Les traits caractéristiques rattachés aux faux-self sont: théâtralité, inauthenticité, fascination exercée sur l’autre par l’exhibition des contenus psychiques, et forte défense par l’intellectualisation.
Les tests projectifs ont permis de distinguer deux types de fonctionnement. Le premier: “état limite” est situé dans les organisations faux-self.
Dans le second type, le faux-self ne constitue pas l’axe organisateur de la personnalité. L’intellectualisation est marquée par des altérations du langage et se révèle infiltrée par des troubles archaïques du raisonnement et des enchaînements inadéquats se rapportant à l’angoisse de morcellement. Dans ce cas, les traits faux-self démontrent un fonctionnement beaucoup plus perturbé du registre psychotique (66).
De l’autre côté de l’océan, des constations semblables liées aux tests psychologiques ont été trouvés (49). Les psychologues parlent des indices du faux self dans les résultats du test de Rorschach.
En se référant à Winnicott, le concept du faux self a été évoqué pour décrire un processus défensif dans lequel le vrai self est protégé par l’acceptation des demandes extérieures (49).
Les psychanalystes qui se sont occupés du trouble de l’identité sexuelle, ont comparé ces pathologies au fonctionnement faux self. Ils examinent la co-dépendance et la manière dont les lesbiennes et les gays répondent à l’homophobie.
La co-dépendance est définie comme un désordre de la relation entre self propre et le self des autres. Les gens créent un faux self pour être ce que les autres veulent qu’ils soient, parce qu’ils ne peuvent pas tolérer la crainte d’être seuls ou abandonnés. Les pressions homophobes de la société rendent gay et lesbiennes et les autres gens avec des identités sexuelles spécifiques, spécialement vulnérables à devenir co-dépendants (24).
Justin Franc analyse “l’insécurité ontologique”, de Ronald Laing. D’abord il caractérise la sécurité, qui inclut le sentiment d’être lié à son propre corps et la valeur de ce sentiment. Au contraire, la personne insécurisée d’une manière ontologique se sent petite et insignifiante, et ressent les circonstances ordinaires de la vie quotidienne comme une agression mortelle. Ces patients répondent à ces angoisses en créant un faux self.
Laing voyait le faux self comme la version complète de l’angoisse de castration. (43)

2- Travaux consacrés uniquement au “comme si”.
Les constations générales faites avec ce travail est que la personnalité « comme si » est beaucoup moins étudié que la notion de faux self. On peut faire plusieurs hypothèses de pourquoi les auteurs ont souvent « oublié » la personnalité « comme si ». Est-ce que la théorie de Winnicott correspond mieux à ce qu’on observe dans le quotidien ? Est-ce que c’est parce que les deux fonctionnements sont souvent pris comme identiques ?
Les psychanalystes de la Menninger Clinic (New York) signalent que, dans les évaluations psychiatriques habituelles, on oublie la personnalité “comme si”, à cause des difficultés à diagnostiquer ce trouble. Ils ajoutent que la principale caractéristique clinique des patients “comme si” est le trouble de l’identité (65).
Importance d’établir le diagnostic : il aiderait à différencier ces patients de ceux présentant d‘autres troubles de la personnalité avec des problèmes d’identité, tels que les troubles de la personnalité limite, avec lesquels il faut s’attendre à une trajectoire totalement différente.
On peut essayer chez ces patients de prévenir la détérioration de leur cas (29).
La personnalité “comme si”se rencontre rarement dans la pratique clinique, mais l’expérience clinique démontre qu’il existe des états “comme si” qui peuvent apparaître passagèrement dans une vaste gamme de personnalités individuelles, gamme s’étendant de l’apparemment normal au manifestement psychotique. Il est évidemment possible pour beaucoup d’individus de vivre indéfiniment dans cet état de dénuement affectif, et cela sans échec notable d’adaptation, comme le font de nombreux individus manifestement psychopathes. Le phénomène “comme si” est caractéristique du comportement de nombreux individus dans les arts, la politique et le théâtre. En fait, il est possible que dans la vie réelle, les personnalités “comme si” soient bien plus communes que dans la pratique clinique. En raison de la faculté d’adaptation - et à son efficacité - à des conditions telles que le manque de profondeur et l’absence d’affect, il est difficile de savoir ce qui pourrait pousser ces personnalités à suivre un traitement. (65)

Grinker , Werble, et Drye (37) distinguent un sous - type limite qu’ils appellent le groupe “adaptable , dépourvu d’affects, protégé, « comme – si ». Ils identifient quatre traits caractéristiques :
1) comportement adaptable et de circonstance,
2) relations complémentaires,
3) peu d’affect et de spontanéité, et
4) utilisation importante du désistement et de l’intellectualisation.
Il faut que ce soit des traits persistants (généralement présent à la puberté), et suffisamment pénibles pour qu’ils causent des difficultés dans la vie sociale et dans le travail, ou qu’ils causent de la douleur. (37)
Castellana Franco étudie le syndrome borderline (6), qui se situe à la frontière entre la psychose et la névrose. Il divise le syndrome borderline en 4 groupes :
1) A la limite de la psychose.
2) Comme syndrome borderline central.
3) Patients avec des personnalités mal ajustées, défensives, mécontentes, et “comme si”.
4) A la limite de la névrose.
Castellana Franco identifies dans ce travail six caractéristiques du syndrome borderline :
a) les caractéristiques partagés par les 4 groupes,
b) la théorie de la transformation de W. R. Bion,
c) l’identification projective et adhésive,
d) la genèse du syndrome borderline,
e) un modèle de diagnostic différentiel, et
d) les parties psychotiques et no - psychotiques de la personnalité.
L’auteur se réfère à la personnalité “comme si” dans son chapitre dédié à l’identification adhésive, introduit par E. Bick et D. Meltzer.
A. Espina (20) affirme que les patients qui n’ont pas un espace interne bien constitué et qui n’ont pas des objets qui permettent une projection stable; vont adhérer à la surface de l’objet à la place de pénétrer à l’ intérieur. Dans ce cas l’individu fait partie de l’objet. Dans l’identification adhésive, l’espace est bidimensionnel: deux surface se collent, sans qu’il y ait ni contenant ni contenu. Ces patients imitent l’apparence externe de l’objet et configurent les personnalités “comme si” (20).
Il n’y a pas de consensus sur la gravité de la personnalité « comme si ». Je crois que il est possible de dire qu’ont trouve des traits « comme si » dans la discussion clinique d’un patient, mais je me penche plus sur l’idée de Franco Castellana qui écrit que la personnalité “comme si” est un syndrome qui affecte des personnes atteintes d’autres désordres graves, incluant beaucoup de cas borderline. L’imitation est une partie du syndrome “comme si”. Incapables d’identification projective, ils remplacent cette dernière par des identifications adhésives, qui sont de nature imitative (6).

Les processus identificatoires échouent dans la personnalité “comme si”. Ils sont remplacés par des modèles de conduite imitatifs ou mimétiques qui ont lieu sans une internalisation profonde. Ces patients n’ont pas un vrai espace interne et ont des constructions et fantaisies situées plutôt dans le dehors ou dans un lieu plus superficiel de leur personnalité. Ils habitent exclusivement dans le monde externe, avec une vie intérieure pauvre, se basent sur des valeurs externes, sans un noyau éthique propre, sont très fragiles, peuvent s’éclater en mille morceaux n’importe quand et se remettre aussi vite (36).

3- Travaux consacrés aux deux notions, et pour qui elles sont très proches.
La question sur les différences entre la notion faux self et la personnalité “comme si” n’est pas toujours posée. C’est le cas pour Rossel, Merceron et Cedraschi (66). Quand H.Deutsch étudiait la personnalité “comme si”, elle faisait également mention de psychotiques à défense faux self. Comme H.Deutsch, Winnicott souligne l’appauvrissement du soi, car le faux self ne peut pas faire l’expérience de la vie et se sentir réel. (66, p.872).

Les difficultés rencontré par les psychanalystes qui traitent des patients avec des pathologies telles que la personnalité “comme si”, le faux self et les états limites, est examiné à partir de deux perspectives : la considération des modes défensifs des patients (par exemple la non mentalisation, l’éclatement du moi) et la nécessité de vaincre leur résistance autistique et narcissique. Il est trouvé que tant dans la personnalité “comme si”que dans l’organisation du faux self, il faut faire des adaptations dans les techniques analytiques qui incluent le placement par le psychanalyste de son appareil de pensée dans les dispositifs du patient pour remplacer ses formations court-circuitées (81).
Un remarque semblable est faite par Masud Khan: tant les patients avec une personnalité ”comme si”, que ceux avec une organisation faux self, ont le même comportement dans la situation analytique et dans leur transfert sur l’analyste (45).
L’organisation faux self et la personnalité “comme si” partagent plusieurs aspects. On trouve des problèmes de complaisance chez la personnalité “comme si” et dans l’organisation faux self. À ce niveau, la distinction entre elles dépend de la manière dont ces conflits sont gérés, que ce soit par des attachements imitatifs “comme si”, par l’organisation d’un faux self, ou par d’autres formes de défenses. Meissner W.W trouve que ce sont des manières différentes de résoudre les conflits : la personnalité du faux self résout le conflit par un repli protecteur du vrai self et par un compromis s’accommodant avec la réalité, à travers la façade du faux self. La personnalité “comme si” résout le conflit en s’attachant aux objets d’une manière superficielle, passagère et imitative.
Meissner fait allusion à Erikson qui décrit également un grand nombre de réactions de la diffusion sous-jacente de l’identité, par exemple “l’attachement peut avoir chez certains les caractéristiques ”comme si”, ou développer une configuration de faux-self.”(54)
France Tustin rapproche ces notions, quand il lie le télescopage du faux self et de la personnalité “comme si” dans les différentes phases de développement; à la pseudo-maturité des patients qui ont développé ce que Winnicott appelle un “faux self” ou la précocité partielle décelée dans les personnalités “comme si” (79).
Dans des études sur l’aménagement particulier des état-limites il est fait allusion à la personnalité “comme si” et au faux self de Winnicott chez le même enfant, dans deux moments différents de la psychothérapie.
Alice Miller se trouve parmi les auteurs pour qui la personnalité « comme si » et la notion de faux self sont proches. Elle affirme que « l’adaptation aux besoins des parents mène souvent (mais pas toujours) au développement d’une “personnalité fictive (personnalité comme si)” ou à ce que Winnicott a décrit sous le nom de faux Soi....Le vrai Soi ne peut alors se développer ni se différencier, car il ne peut être vécu. ...Et on comprend alors que ces patients se plaignent de sentiments de vide, d’absurdité, de non-appartenance, car ce vide est réel. Il y a eu un véritable appauvrissement, un anéantissement partiel de leurs propres possibilités, lorsque a été amputé ce qu’ils avaient de vivant et de spontané » (57, p.24).
Dans la population carcérale, il est estimé qu’à la différence de la personne avec troubles narcissiques de la personnalité, qui éprouve parfois consciemment la sensation d’être factice (Kernberg 1975), le psychopathe n’est pas conscient de ce “faux self” (Winnicott 1960) ou de la qualité “comme si” (Deutsch 1942)
4. Travaux consacré aux deux notions, et qui les différencient.
Charles Rycroft définit le faux self comme une structure défensive, une “fausse” adaptation à un environnement, qui n’a pas rencontré son vrai self pendant les mois formateurs de la petite enfance.
Pendant la psychanalyse, les patients avec un faux self doivent régresser vers un état de dépendance sur l’analyste, pendant lequel ce dernier peut répondre à l’émergence de leur vrai self.
La personnalité “comme si” est un type de caractère schizoïde, qui se comporte comme s’il avait des réponses émotionnelles normales aux situations. (69)
Parmi les auteurs étudiés et rencontrés mis à part Charles Rycroft, se trouve Serge Levobici qui fait clairement la différence entre la notion de faux self et la personnalité « comme si ». Dans ce groupe se trouve aussi Leon Grinberg, pour cet auteur il y a une différence entre ces deux concepts. Pour mieux développer ce point je vais l’illustrer avec un cas clinique.
Personnalité «comme si » : le cas d’Anderson
J’ai commencé la psychothérapie d’inspiration psychanalytique d’Anderson avec l’hypothèse que ce jeune homme fonctionnait entre deux pôles névrotique et psychotique, avec une personnalité « comme si ». Anderson avait quinze ans, et c’est pendant une longue hospitalisation que la psychothérapie a débuté. De son anamnèse récente, on savait qu’Anderson avait été signalé par les enseignants trois ans auparavant, pour des troubles du comportement massifs. L’école avait fait appel au service ambulatoire, et toutes les tentatives de prise en charge avaient échoué, sur refus du patient. Pendant trois ans, Anderson avait fonctionné dans le chaos total, malgré l’intervention d’assistants sociaux, psychologues et Juges de Paix. Finalement, Anderson fût hospitalisé à l’hôpital somatique, en compagnie de deux camarades de classe, suite à une tentative de suicide « à trois ». De là, il fût transféré à l’hôpital psychiatrique. Dans une première période, l’équipe hospitalière resta impressionnée par le côté déficitaire de son fonctionnement, et demanda de lui administrer de fortes doses de neuroleptiques. Anderson refusa la médication, en argumentant de sa « non maladie ». J’étais d’accord d’essayer sans neuroleptique.
Anderson ne collaborait pas avec l’équipe infirmière. Au sein de celle-ci, la discorde s’était installée. Ce climat était le reflet du monde interne d’Anderson, un clivage propre au cas limite. La décision de commencer une psychothérapie était peu acceptable par toute l’équipe. C’est aussi cette dynamique qui aida Anderson à revenir à un fonctionnement plus névrotique.
Après avoir maintenu une attitude de distance et de refus de contact, Anderson demanda finalement à me voir, et à partir de ce premier entretien, il tint à ne pas manquer une seule séance.
Je ne voulais pas me laisser envahir par la crainte d’une évolution psychotique. Les points sur lesquels je pouvais m’appuyer étaient d’abord l’alliance thérapeutique, et par la suite les différentes caractéristiques propres à la personnalité « comme si ». Anderson avait un espace interne peu solide, avec une grande difficulté à trouver une issue identitaire, un état semblable à l’identification adhésive.
Anderson occupa les premiers mois de la thérapie à évoquer la coupure qu’il imposait aux visites de sa mère. Il la déclarait « personne morte » pour lui. Je lui demandai si ce n’était pas une partie de lui-même qui risquait de « mourir» avec cette attitude. Il me dira plus tard que chez lui «c’est le vide». Anderson guettait mes gestes, mes paroles, mes propres attitudes, comme dans un processus d’identification. En même temps, il faisait un lent chemin de différenciation, son aspect très féminin se masculinisant au fil des mois. Il dira lui-même qu’il veut devenir «un homme».
Tout au long de la thérapie, j’essayais de l’inciter à revoir sa mère, et j’introduisis un autre tiers dans la personne réelle de l’infirmier. Aussi, j’introduisis un tiers «fantasmatique», qui est le père biologique d’Anderson. Il n’avait aucune représentation de ce père disparu trop tôt dans sa vie, suite à une séparation totale des parents.
Après dix mois d’hospitalisation et de psychothérapie, le jeune homme a pu reprendre l’école, vivre dans un foyer et faire des projets professionnels. La reprise évolutive a eu lieu, et Anderson a quitté l’hôpital psychiatrique. Il récupéra en une année d’école les trois années perdues, et termina l’école obligatoire. Il faut dire aussi qu’Anderson bénéficie d’une intelligence supérieure, qui l’a aidé dans sa réussite scolaire.
En conclusion, une adaptation de la technique analytique était nécessaire avec ce patient. J’ai dû utiliser mon propre appareil de pensée et le mettre à sa disposition. Anderson semblait vivre avec des symptômes, qui par ailleurs lui épargnaient une souffrance psychique manifeste. Pendant la psychothérapie, il y a eu chez ce jeune homme une facilité à s’identifier à différents objets, ce qui l’aida à reprendre une vie active.
J’ai eu l’impression que c’était le cadre hospitalier qui a assuré une entrée dans la psychothérapie, ce qui autrement n’aurait pas été possible.
Il est probable que le monde intérieur d’Anderson reste pauvre, et on ne sait pas dans quelle mesure des risques de décompensation peuvent le guetter dans sa vie d’adulte.

VII - AVIS DES CLINICIENS. Perception actuelle.
Entretiens avec des psychanalystes et psychiatres qualifiés, en utilisant un questionnaire.
Pendant la préparation de ce travail, des psychanalystes qualifiés ont été interviewés au sujet, de la personnalité “comme si” et le fonctionnement faux self.
Les questions posées, étaient les suivantes :
1°- Quelle définition donnez-vous de la notions faux self, et la personnalité “comme si”?
2°- Sont-elles, pour vous, bien distinctes l’une de l’autre ou au contraire quasi synonymes?
3°- Vous y référez-vous (souvent, rarement, jamais...) dans la conception que vous vous faites face à un cas particulier? Le cas échéant, ces notions ont une répercussion sur le choix de votre technique thérapeutique?

Durant les entretiens, on n’a pas toujours suivit l’ordre structuré des questionnaires, l’entretien prenant parfois la forme d’un dialogue. C’est pourquoi, dans certains cas les réponses ne sont pas numérotés, ou ne le sont pas dans un ordre précis.
Une grande partie des analystes interviewés n’ont pas de définitions précises, bien que la notion de faux self leur soit connue: pour eux, c’est surtout une notion clinique. La personnalité “comme si” est en général moins connue, et présente moins d’intérêt.




Entretien avec Mme Raymond de Saussure.
Psychanalyste.
Genève, le 6. décembre 1996
1) Quelle définition donnez-vous de la notion de faux self?
Mme de S. préfère parler de différents aspects du faux self, plutôt que de donner une définition précise.
La personne a une inhibition, une difficulté à percevoir ses propres réactions, c’est-à-dire qu’il y a d’abord une difficulté de perception vis-à-vis de soi-même. Il ne s’agit pas de perceptions extérieures, mais de perceptions de ses propres réactions, peut être de ses propres pensées et de ses propres émotions. Un exemple d’inhibition, c’est de ne pas admettre l’agressivité, l’avarice, l’avidité, ou d’autres attitudes. Ces personnes vivent ainsi leur propre self, comme si elles n’avaient pas vraiment d’agressivité. Des symptômes apparaissent, comme par exemple la douleur psychique ou corporelle. Il se crée une tension interne, où souvent la douleur est vécue comme une façon d’effacer la base d’agressivité. Ce qui est perçu par la personne, c’est sa douleur, ou sa peur, à la place de son agressivité, et c’est qui explique son incapacité d’apercevoir et d’identifier ses sentiments et ses réactions.
La personne a une image basée sur certaines réactions, mais pas sur d’autres, pas sur la totalité de la réaction. Si elle reconnaît par exemple l’irritation, il n’y a pas de faux self.
Il y a un danger chez certains analystes à avoir eux-mêmes un faux self, à prétendre qu’ils ne sont jamais agressif, qu’ils n’ont pas ce problème infantile, etc.
Souvent les personnes avec un faux self pensent qu’elles sont très intellectuelles et que c’est pour cela quelles ne font pas attention à leurs émotions, ni même aux réactions de leurs corps. Elles ne cherchent pas seulement à en convaincre les autres, mais elles cherchent aussi à le penser elles-mêmes.”
2) Quelle définition donnez-vous de la personnalité “comme si”?
Pour Mme de S., la personnalité “comme si” n’est pas une définition de la personnalité. Il ne s’agit pas de la perception de soi même, mais plutôt d’une attitude du patient. Il a une tendance à nier la réalité de ce qui est perçu; par exemple le patient dit : “J’ai réagi comme s’il y avait un danger terrible”. Mais, souvent cela peut se passer dans une situation où la personne se trouvait face à un danger réel et elle s’efforçait, à travers des mots ou des attitudes à ne pas reconnaître le sentiment de danger ni pourquoi ni comment elle se sentait menacée. La personnalité “comme si” c’est une façon de fonctionner, une façon de réagir.
3) Sont-elles, pour vous, bien distinctes l’une de l’autre ou au contraire quasi synonymes? :
Ces deux notions sont différentes. La notion “comme si” n’est pas si structurée que le faux self. Le faux self est plus global, plus complet et plus important.

4) Vous y référez-vous (souvent, rarement, jamais...) dans la conception que vous faites face à un cas particulier? Le cas échéant, ces notions ont-elles une répercussion sur le choix de votre technique thérapeutique? :
Mme de S. ne fait pas ce type d’interprétation, mais reconnaît cette différence. Par exemple, quand on cherche à interpréter un rêve, on ne cherche pas seulement à accepter le contenu manifeste du rêve, mais à l’élargir pour que la personne perçoive d’autres choses, qui sont exprimées dans le rêve, et qui n’étaient pas perçues par la personne. C’est un effort d’élargir l’image de soi-même et d’aider la personne à être attentive à d’autres choses qui lui appartiennent, au-delà de la simple représentation consciente de la personne.
Pour Mme de S., la question du diagnostic n’est pas importante, sauf peut être quand la personne est attachée à son faux-self d’une façon massive et rigide. Mme de S. est plus intéressée à suivre la personne, mais elle a en tête l’idée du faux self. Les problèmes apparaissent chez les personnes qui ont une rigidité dans leurs perceptions et dans leurs idées.
Mme de S. croit que ces deux notions sont valables. Même si elles n’ont pas de répercussions sur la technique thérapeutique, elles sont des idées souvent présentes durant l’analyse.



Dr Léon Grinberg
Psychiatre et Psychanalyste.
Barcelone.
Lettre du 8. 11. 97
1) Quelle définition donnez-vous de la notion faux self?
Pour Winnicott, le faux self a comme fonction principale de dissimuler le vrai self pour le défendre. Ce serait une version pathologique de l’aspect poli et socialement adapté de la personnalité saine. Il s’organise sur la base d’identifications aux personnes de son environnement. Il a une apparence de réalité et les observateurs pensent qu’il s’agit de la personne réelle. Son origine est à chercher dans les altérations des premières relations objectales. Quand la mère n’est pas “suffisamment bonne” pour capter les gestes spontanés et propres au bébé, elle l’empêche de développer son vrai self. Alors le faux self apparaît pour protéger le vrai self du manque de “holding” de la part de la mère.
Le faux self fonctionne sur une base de soumission et de bon comportement social, mais la personne ne peut pas atteindre l’indépendance ni la maturité : au maximum une pseudo - maturité.
L. Grinberg pense qu’on peut le comparer au concept de la “deuxième peau” de Esther Bick, dont la fonction est de contenir et dissimuler les forces du moi.
2) Quelle définition donnez-vous de la personnalité “comme si”?
En ce qui concerne les personnalités “as if”, H. Deutsch souligne aussi son origine dans les étapes primitives des relations objectales, le développement pauvre du Surmoi, et la prédominance d’une identification primaire; un manque du sentiment d’identité, des émotions superficielles, une pauvreté affective et un manque d’ insight. On peut l’observer avec prédominance dans les cas schizoïdes. Ces personnalités ont une telle facilité d’adaptation qu’elles se prêtent à des changements kaléidoscopiques dans leur conduite, et elles reflètent de cette façon la personnalité des individus avec lesquelles elles entrent en contact.
3) Sont-elles, pour vous, bien distinctes l’une de l’autre ou au contraire quasi synonymes?
Ces notions ne sont pas identiques, mais similaires sous certains aspects.
Il pense que le “faux self”a comme fonction spécifique et primordiale, celle de protéger le vrai self. La technique de la régression proposée par Winnicott tend à faire disparaître le faux pour laisser surgir (ou naître) le vrai self.
La personnalité “as if” provient, à son avis, de l’absence d’un contenant adéquat pour retenir les stimulus provenant du monde externe et interne, et d’une incapacité à apprendre de l’expérience. Elle est dépourvue d’initiative et incapable de prendre des décisions propres, C’est pour cela qu’elle fait recours aux identifications “adhésives” en imitant les objets avec qui elle entre en relation.
Il y a du superficiel dans la conduite du “as if”. Ces personnalités ne peuvent pas approfondir leurs émotions. Le “as if” avec les caractéristiques déjà décrites, apparaît dans les personnalités post- autistes.
Pour L. Grinberg, il y a une différence entre le faux self et le “as if”.
4) Vous y référez-vous (souvent, rarement, jamais...) dans la conception que vous faites face à un cas particulier? Le cas échéant, ces notions ont-elles une répercussion sur le choix de votre technique thérapeutique?
Il inclut ces notions dans les interprétations qu’il fait des patients, bien que dans des termes appropriés à chaque situation.
L. Grinberg utilise ces notions, au bon moment, dans les circonstances où ces symptômes apparaissent.
Il pense que ces notions ont des répercussions sur la technique thérapeutique, comme l’ont aussi toute interprétation dirigée vers le contenu inconscient, a fin d’aider le patient à acquérir l’insight.

Entretien avec le Professeur René Henny
Grandvaux, 18.12.96
1) Quelle définition donnez-vous de la notion faux self?
La notion de self est très problématique. Il n’y a pas de consensus entre les auteurs à cet égard.
Le faux self serait développé chez des enfants qui sont surstimulés, intelligents et en avance sur leur âge, voilà notamment la position de Winnicott. Ils mettent en avant leur intelligence pour se protéger des affects, avec la complicité des parents. Ce n’est pas toujours facile de reconnaître le faux self, en tout cas chez l’adulte.
2) Quelle définition donnez-vous de la personnalité “comme si”?
En ce qui concerne la définition de la personnalité “comme si”, il n’y a pas de définition précise. Ces notions ne sont pas des notions exceptionnelles. Nous sommes tous un peu faux self et “comme si”. On peut dire qu’il y a toujours un côté “comme si” chez nos patients en analyse. Il y a une certaine forme de tricherie, malgré leur désir d’être authentiques. Cela fait partie des défenses. Il faut l’analyser comme tel. Quand un patient sur le divan présente quelque chose qui n’est pas lui, mais qui est un masque, c’est ça la personnalité “As if”.
3) Sont-elles, pour-vous, bien distinctes l’une de l’autre ou au contraire quasi synonymes? :
R.Henny répondant à la question sur la différences de ces deux notions, trouve que les psychanalystes utilisent chacun leur langage personnel. Quand André Green écrit sur le moi ou le self, ce n’est pas du tout la même chose que quand Levobici le fait, ou Laufer à Londres. Chacun a son langage, c’est pour cela que les discussions en psychanalyse sont très difficiles, on a de la peine à se mettre d’accord sur les concepts. Néanmoins ils sont d’accord en principe sur les définitions des grands concepts: le Je, le Moi, le Ca, ...mais pas toujours. Ces notions sont très proches l’une de l’autre.
Pour illustrer le faux self, R. Henny donne un exemple clinique. Une jeune femme malade d’une psychose. Toute ses activités, toutes ses forces, sont centrées sur son désir de devenir psychanalyste, il n’y a plus rien en dehors. C’est une construction, une espèce d’échafaudage autour du moi.
4) Vous y référez-vous (souvent, rarement, jamais...) dans la conception que vous faites face à un cas particulier? Le cas échéant, ces notions ont-elles une répercussion sur le choix de votre technique thérapeutique? :
Ces notions ont des répercussions sur la technique thérapeutique. Il faut les analyser comme résistance, mais avec une certaine prudence, surtout pour des patients très perturbés. Si on enlève cet écran, c’est l’éclatement psychotique. Il faut ensuite reconstruire, et c’est un travail difficile.
Entretien avec la Dresse Suzanne Jaccottet.
Psychanalyste.
Lausanne, 30.07.97.
3) Les notions de Personnalité “comme si” et de Faux self, sont-elles, pour-vous, bien distinctes l’une de l’autre ou au contraire quasi synonymes? :
Les notions de faux self et de personnalité “comme si” sont très proches.
Ce sont des formes de défense pour protéger un noyau qui se sent menacé; on fait “comme si”, ou on a un faux self. Winnicott définissait le faux self comme un noyau qui se protège par une coque destinée à protéger un noyau central fragile, le “vrai self”.
4) Vous y référez-vous (souvent, rarement, jamais...) dans la conception que vous faites face à un cas particulier? Le cas échéant, ces notions ont-elles une répercussion sur le choix de votre technique thérapeutique?
Les classifications dans des catégories diagnostiques ont une grande importance au cours de la formation, pour organiser le savoir théorique et le développer. Là, on est obligé de penser avec un cadre structuré. Confronté aux malades, il faut d’abord avoir des lignes directrices. A mesure que l’expérience du travail analytique augmente, on s’aperçoit qu’on ne pourra jamais vraiment objectiver un diagnostic, ni le vérifier. On travaille avec la subjectivité et avec l’inconscient, et l’inconscient ne classe pas. On est beaucoup plus préoccupé par les questions du transfert, du contretransfert, de l’interprétation, et de garder le cadre de la séance. Ce qui est objectif, c’est le cadre analytique, le fauteuil ou le divan, et le fait que chaque être humain ne peut être né que d’un père et d’une mère, ce qui est un fait biologique valable pour tous les êtres humains.
En ce qui concerne la technique thérapeutique, S. Jaccottet trouve que l’essentiel du travail analytique, c’est ce qui va se passer entre l’analyste et le patient. Dans ce contexte, c’est impossible de faire quelque chose d’objectif ou d’objectivable.
S. Jaccottet n’utilise pas ces notions comme diagnostic. En général, elle travaille sans diagnostic. Il lui arrive de ne pas prendre quelqu’un en analyse, si elle a l’impression que “ça n’ira pas du tout”, mais c’est très subjectif, et le choix est fait sur la base de l’ensemble de ce qu’elle ressent consciemment et inconsciemment.
On peut dire que ces notions désignent une expérience clinique qui a été formulée et décrite par différents auteurs. Mais cela dépend des références qu’on a ou des auteurs qui se sont prononcés.
Elle pense que ces notions n’ont pas de répercussions sur la technique thérapeutique. Ces “diagnostics”, ne modifient pas la “technique” de la thérapeutique en psychanalyse.


Entretien avec le Professeur Serge Lebovici.
Lausanne, 27.09.97.
L’idée d’interviewer le Prof. Lebovici repose sûr l’hypothèse original de cette thèse, c’est à dire de ses pensés énoncé lors de sa conférence du 28 février 1991 à l’Hôpital de Cery. On peut dire que c’est lui le supporter théorique de mon travail.
Le “as if” n’a rien à voir avec le faux self de Winnicott, qui parlait de distinction entre le soi authentique et le soi artificiel.
Hélène Deutsch parlait du “as if” par rapport à une attitude mondaine. Le self, c’est une notion forte. C’est le self du narcissisme primaire. Winnicott reprend la notion de self, c’est le sentiment de continuité de vivre. C’est ce sentiment inconscient qui est remplacé par le faux self.
L’enfant avec un faux self, c’est un enfant qui peut être l’infirmière de sa mère. Alice Miller en a parlé dans ses oeuvres. Ce sont des enfants doués, qui viennent au monde pour faire plaisir à leurs parents. Hitler était peut-être un enfant de ce genre. Il était au service de ses parents, surtout de sa mère.
Dans la théorie du faux self, le narcissisme primaire est mis en cause.
C’est Freud qui a décrit le narcissisme primaire. Du fait que l’enfant dépend totalement des soins maternels, il se sent en même temps tout puissant. Cela lui donne le sentiment d’exister, et qui permet de constituer narcissiquement sa relation avec ses parents. Si les parents se désintéressent de lui, ils peuvent éteindre le narcissisme. Par contre si les parents s’intéressent trop à lui, ils peuvent distordre le narcissisme de l’enfant.
Au niveau clinique, c’est un enfant qui est sûr de lui-même, lorsqu’il a un bon narcissisme primaire. Quand les parents se désintéressent de lui, la nuit par exemple, l’enfant peut fantasmer la scène primitive, il peut l’halluciner, il est tranquille.
Le maillon narcissique est essentiel à la vie imaginaire de l’enfant. S. Levobici utilise la notion d’interaction fantasmatique, quand l’enfant se représente une chose sans la dire.
Quand un enfant ne peut pas s’exprimer, il y a un adulte qui s’exprime pour lui; c’est le pseudo self.
3) Les notions de Personnalité “comme si” et de Faux self, sont-elles, pour-vous, bien distinctes l’une de l’autre ou au contraire quasi synonymes? :
La notion de faux self n’est pas du tout la même chose que le “as if”.
Le “as if”, c’est jouer dans la vie, et vous êtes habillé comme votre papa, ou votre maman.

Entretien avec la Dresse Anne Paccaud.
Psychiatre et psychothérapeute.
Lausanne, le 11. 12. 1996
1) Quelle définition donnez-vous de la notion faux self?:
Winnicott parle d’un faux self qui se développe par soumission à un environnement intrusif.
Winnicott était un chercheur, un clinicien génial qui a fait des choses extraordinaires; mais transmettre un mode de faire, ce n’est pas une chose facile.
A. Paccaud fait allusion au clivage récemment étudié par Gerardet, qui présente l’idée d’une scission radicale du faux self et du vrai self, comme la scission dans l’unité psyché-soma de l’unité individu-environnement, quand la transitionnalité n’a pu établir son champ.
Gerardet décrit un faux self qui se crée au contact d’une réalité qui serait traumatique, un faux self qui se formerait pour protéger un vrai self vivant à l’intérieur, avec son traumatisme. Ce traumatisme est inaccessible et irreprésentable.
A ce jour le faux self de Winnicott serait une construction métapsychologique et non pas une donnée clinique de la pathologie.
Pour Mme Paccaud cette notion n’est pas présente quand elle écoute un patient. Mais il s’agit d’être à l’écoute de la souffrance que représente, chez les cas limites surtout, le sentiment de vide intérieur, d’inauthenticité et de futilité.
2) Quelle définition donnez-vous de la personnalité “comme si”?
En ce qui concerne la personnalité “comme si”, on parle d’adaptabilité exagérée, de soumission à l’objet. H.Deutsch parle des personnes changeantes, mais à l‘intérieur, elles se sentent vides.
Il y a aussi un problème de traduction du mot self, les francophones ont différentes façons de le comprendre. Il y en a qui le font correspondre au Moi. D’autres disent que c’est le Soi. Toutefois, de nombreuses recherches françaises actuelles sur la constitution du sujet et son lien subjectal à soi et à l’objet prolongent les réflexions de Winnicott sur le self: on peut penser à Green, Michel Fain (modèle psychosomatique), Raymond Kahn.
A.Paccaud n’utilise pas ces notions; le diagnostic en général a moins d’importance dans le travail analytique. “On part à l’aventure avec le patient. On repère des conflits, des motivations, on a le désir de connaître son fonctionnement, les associations, les rêves et si la personne est accessible à ce qu’on lui dit. On démarre comme ça. Pour elle, il est plus intéressant de voir apparaître les choses au cours de l’analyse.”

Entretien avec Dresse Alicia Schteingart
Psychanalyste
Genève, le 14 mai 1997
1) Quelle définition donnez-vous de la notion faux self?
La notion du faux self prend son origine dans les troubles de la relation mère-enfant, dans des situations de désunion et de séparation. Il va se constituer en défense des personnalités très perturbées à la base.
Meltzer, inspiré par Bion, parlait beaucoup de la notion du faux self, de la personnalité anale, de la masturbation anale. Il parle des états psychiques, du processus analytique; en évoquant la masturbation anale, il décrivait des personnalités de ce type qui font des clivages extraordinaires, qui fonctionnent au niveau intelligence et adaptation grâce à un clivage de base fonctionnel. Il y a donc de mauvais et des bons clivages. A l’intérieur, leur moi infantile est très petit, très mesquin, minuscule. En réussissant une alliance avec cette partie minuscule du vrai self - qui existe toujours - l'analyste peut commencer à travailler et aider à distinguer le vrai du faux, et laisser se développer ces éléments naissants. L’analyste doit savoir cela, il ne doit pas faire une fausse analyse avec un faux self analytique. Parfois cela prend du temps pour construire cette alliance, car le faux self est là pour la démolir, ou la détourner, mais l’analyste doit être au courant de cet enfant affamé, embryonnaire, et parfois omnipotent, qui est caché. On doit revenir en arrière tout le temps, même s’il y a résistance, même s’il y a impasse, ou une réaction thérapeutique négative. Pour arriver à ce niveau, il faut une régression au niveau de la relation précoce mère-enfant. C’est la psychanalyse qui peut toucher ce niveau. Il nous faut le divan et le cadre. Parfois, cela ne suffit pas et il faut aussi que le patient se laisse aider, parce que s’il vient quatre fois par semaine pour s’écouter parler, il n’y a pas d’analyse.

Pour A. Schteingart, il n’est pas important de savoir s’il y a une différence entre le faux self et le “comme si”. Ce qui est important, pour elle, c’est de détecter quelque chose de défensif, qui ne sera pas en contact avec les besoins profonds et affectifs du sujet, et qui lui sert de carapace pour se protéger des choses internes et externes. Ce serait la conséquence d’une relation précoce qui continuerait à se répéter, parce que le moi est resté immature. Ce “moi”, tant chez l’adulte que chez l’enfant, n’a pas pu se développer, et c’est là-contre que ce type de mécanisme fait défense.
On peut appeler ces mécanismes faux self ou “comme si”, et ce sont différentes manières de nommer un mécanisme défensif, qui imite, qui adhère, qui n’a pas été introjecté. La différence serait que ces notions proviennent d’auteurs différents, mais A. Schteingart pense que leur fonction est la même.

Entretien avec le Dr Lopez Rosende Juan Manuel
Psychiatre et Psychanalyste à Buenos Aires.
Buenos Aires, 19.08.1997
L. R définit le faux self comme une forme d’adaptation automatique et inconsciente à l’environnement, qu’adopte l’individu. La personnalité “comme si” est quelque chose de semblable.
Il a décrit chez ses patients le caractère de base et le caractère apparent, qu’il a mis en relation avec le vrai self et le faux self de Winnicott.
Il a particulièrement étudié le faux self ou “comme si” des alcooliques, qui ont un problème d’identité gravissime. Ils ne se connaissent pas eux-mêmes et ils ont un vide intérieur énorme.
L.R a remarqué que, chez l’analyste, il y a danger d’adopter un faux self. Pendant des années, il fait sa formation et finalement il se perd de vue lui-même. Surgit alors un problème d’identité: si on se perd soi-même et qu’on adopte un rôle professionnel, on peut se déformer de telle façon qu’on reste aliéné dans ce rôle, comme dans une camisole de force.

VIII- Le vrai self et l’enfant
A Genève, dans l’évaluation de l’enfant (60), le self est analysé avec l’Identification, qui est décrite dans tous ses mouvements : maniaques, mélancoliformes, masculins, féminins, etc. C’est la tentative d’identification aux parents.
Le self se trouve sous le titre de « image de soi » dans certains chapitres, avec la description de tous les aspects infantiles, comme l’acceptation de la condition d’enfant avec ses caractéristiques de petitesse, ses limitations, etc. Dans les cas le plus graves, les enfants donnent une impression d’incohérence de leur sentiment de soi, s’établissant sur des défauts d’identification.
Dans la forme hypomaniaque ils donnent une image de soi parfois grandiose et toute-puissante, s’appuyant sur des identifications à des objets idéalisés ou bien idéalisés persécuteurs (60).

Dans l’évaluation pédopsychiatrique de l’enfant, l’investigation du self doit avoir sa place.
Le thérapeute d’un jeune enfant a un rôle à jouer avec les parents, mais aussi avec l’environnement.
Devant cette merveille qui est l’apparition d’un bébé dans la famille, les parents vont rapidement transformer la chambre de l’enfant en vraie laboratoire du faux self, avec toute sorte d’appareils, consoles électroniques, ordinateurs, etc. En oubliant que l’essentiel est d’ouvrir la porte de la chambre infantile et de la maison pour laisser l’enfant jouer en liberté. Les jeux libres entre enfants, doivent retrouver son importance, il est autant formateur pour la future personnalité que l’amour de ses parents. Avec le jeux l’enfant crée son monde interne, le jeux symbolique est un critère très important dans l’évaluation du jeune enfant. Dans les jeux libre avec ses compagnons, l’enfant observe, il communique, il a du plaisir, il échange ses sentiments, c’est en présence de un autre enfant qu’il est possible de former ou moduler la future personnalité. Devants les écrans des nouveaux jeux l’enfant n’a pas la représentation de l’autre, parce que le virtuel, n’a pas les états d’âme, comme la tristesse, la douleur, ou la joie. Dans ce monde, le chemin vers la déviance est ouvert.

Une question que le thérapeute doit se poser dans la rencontre avec l’enfant est qui est ce qui appartient à sa petite âme et qui est ce qui vient de l’environnement (parents, école, société, etc.)
Dans les familles modernes on observe des parents bien attentionnés, mais qu’on pris possession de leurs enfants d’une façon abusive. Ils remplissent leurs temps, décident leurs amis et activités, ils gèrent même leurs émotions. Dans certains cas l’espace psychique de l’enfant est tellement envahi qu’il ne peut pas développer son moi, ni arriver à son self. Souvent cet enfant va développer des symptômes, avec une gamme qui va de l’enfant hyperactif à l’enfant silencieux hyperadapté.
Voici ce qui dit Jacques Maillet à ce sujet : « Les réponses aux besoins de l’enfant se font à contretemps, de manière inadapté. Les exigences sont disproportionnées par rapport à l’âge de l’enfant. On laisse peu d’autonomie à l’enfant qui est sans cesse surveillé, contrôlé. Les manifestations de tendresse sont souvent ritualisées et désaffectées » (52)
Le monde enfantin ne doit être envahi sous aucun prétexte. L’enfant a besoin de protection et d’amour, mais aussi d’avoir un espace suffisamment ample pour être lui même. Il a même le droit de s’ennuyer et surtout de rêver!
Quand les adultes commencent à envahir l’espace de l’enfant, à remplir sa journée, à programmer ses activités, c’est le début de la catastrophe. Cet enfant n’aura pas la possibilité de s’écouter lui même ni d’être spontané.
Et l’école? Dans les pays pauvres les enfants ont un cahier vide qu’ils remplissent avec leurs dessins, leurs propres écriture, et même avec leurs pensée ! (Ils sont au moins cet avantage!!). Ils seront moins programmés que les enfants de certains pays riches, où il faut remplir des fiches (solidement étudiées), où aucune créativité n’est possible. Dans ce système la richesse naturelle de l’enfant se perd de vue. « Il hypothèque son vrai self », disait mon collègue Lopez Rosende.
Et la société ? De nos jour une société très dangereuse guettent nos enfants : c’est la société de consommation. Les parents sont seuls faces à ces mouvements généralisés, dictés par des marchés mondialisés. Dans un article appelé : « Les jouets sophistiqués », Graciela Scheines (1990) écrivait à ce sujet : les jeux et les jouets peuvent en partie déterminer les traits d’identité d’une culture. Par exemple les jeux japonais, africains au aztèques ont des caractéristiques, schémas et règles très particuliers.
C’est clair que ce nouveau millénaire de la communication planétaire ne donne
plus la possibilité de définir une société à partir de ses jeux et jouets. Cependant
les jeux fonctionnent comme armature psychique pour l’enfant.
La commercialisation de jouets est la voix principale de l’acculturation. Quand lesjouets et les jeux pénètrent dans le circuit de la publicité, de l’offre et la demande, ils se transforment en produit de consommation qui arrive directement aux mains des enfants. Ces enfants sont en train de vivre une étape de formation de la personnalité où tout reste dans la mémoire avec des traits indélébiles.
C’est par la commercialisation que des jouets à haut risque arrivent dans les foyers : on les appelles jouet sophistiqués ou toutes sortes de consoles et d’écrans. La relation jouet-jouer est faussée.
Le vrai jouet est celui qui est inventé ou transformé par l’enfant, cet objet peut être en bois, en pierre, etc. Un simple bâton peut servir à l’enfant de cheval, d’épée, etc.
Dans la société de consommation, le succès et l’argent sont les symboles de statut social, aussi les jouets se transforment en symboles de statut de pouvoir et richesse. Les jeux dans ce cas sont faussés. Ces jouets sophistiqués sont souvent remplacés par un autre. Les objets en général se consomment et se jettent, rien n’est conservé ou réparé. Dans cette société l’enfant ne joue plus avec son jouet, il ne peut pas le transformer, ni le récréer. Cette une absence de plaisir qui en découle, à la place du plaisir il y a un sentiment de lassitude, d’ennui et même d’anxiété. Ces enfants vont oublier le sens du jeu, ils ne savent plus jouer. Ils risquent de devenir les représentants d’une société décadente, incapable de créativité et même de se revitaliser. Ces enfants risquent aussi de devenir les futurs instruments de la violence et de la destruction, parce que cette habitude de tout remplacer, de tout jeter favorise une attitude envers la vie, qu’on peut interpréter comme détachement, rupture et destruction (71)
Graciela Scheines écrivait son article en 1990, et ses remarques sont toujours d’actualité. Aujourd’hui à la fin de mon travail (2008), on peut constater que l’augmentation de la délinquance juvénile, avec des violences invraisemblables, des incivilités inouïes, des viols entre enfants à deux ou collectifs, peut être relié à cette réflexion. Les fantasmes qui normalement doivent rester au niveau de fantaisies sont mis dans la réalité avec crudité et une cruauté sans gêne. A tous ce qui précède s’ajoute la problématique d’acculturation, qui n’aide pas le processus d’identité d’une génération à la dérive, perdue dans le grand « village planétaire » ; c’est les cas des adolescents qui n’ont plus les valeurs de leurs petits village d’origine, dans le pays d’accueil le père ou le patriarche, se sent dépassé par les événements ou ébloui peut être par la nouvelle société.
Certains pays européens commencent à réfléchir au sujet comme la Suisse par exemple. Dans un colloque tenu à Bienne le 20-21.10.2004 organisé par la commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse, le thème « de laisser les enfants sortir librement » est étudié. Ce colloque était commenté dans le Journal « La Liberté » comme suit: « Des enfants assimilés à des sacs de patates figés devant la TV ou les play-station ». Certains parlent d’une insuffisance de plages de temps libre et d’espaces offerts aux enfants. Se basant sur des recherches récentes, il est constaté, que quand les autorités font le nécessaire, les enfants utilisent généreusement les espaces extérieurs mis à leur disposition et ne restent pas scotchés devant la TV. Ainsi, dans un quartier de la banlieue Zurichoise où presque tous les enfants peuvent sortir seuls, les deux tiers des « 3-4 ans » passent au moins quatre heures dehors par un après midi normal. Une recherche du Fond national sur la ville de Zurich a aussi démontré que les trois quarts des parents d’enfants de cinq ans ne leur permettaient pas de sortir seuls à cause des dangers du trafic. En zone rurale, ce pourcentage était même plus élevé (87 %). Et les dessins des enfants l’attestent sans détour : les places de jeu, la nature, les jolies fleurs, les animaux à caresser ou les copains pour jouer se trouvent souvent placés de l’autre côté d’une rue jugée infranchissable ! Mais est-il besoin de connaissances supplémentaires pour défendre ces droits inaliénables de l’enfant à bouger librement, à jouer et se déplacer en toute sécurité ? » *Journal La Liberté du vendredi 22 octobre 2004.
L’écrivain Julio Cortazar écrit dans son roman « Rayuela », qu’il y a un seul itinéraire qui conduit aux portes du ciel et au retour de l’innocence primordial. A l’acceptation de la simplicité et du hasard.
Dans les termes de mon travail ce retour à la simplicité c’est le seul chemin pour retrouver notre vrai nature, notre vrai self menacé et maintes fois perdue.





IX - DISCUSSION
Similitudes et différences des notions de faux self et de la personnalité “comme si”.
A - Ces notions sont voisines : Quelles sont les similitudes ?
1- Dans leur genèse. L’une et l’autre sont apparus pour faire face à des pertes très précoces. Ces pertes peuvent provenir du manque de soins d’une ”mère suffisamment bonne” selon Winnicott ou d’un manque “d’objets d’amour” selon H. Deutsch. On pourrait dire que ces deux auteurs ont décrit des nourrissons qui ont manqué d’affection et de l’attention normale d’une mère aimante.
2- Dans la description.
a) La personnalité “comme si” présente des identifications changeantes, une facilité à s’identifier à différents objets, sans avoir de sentiments propres, “et c’est l’expression de l’identification à l’environnement, un mimétisme mental dont le succès consiste en une bonne adaptation au monde réel, en dépit de l’absence d’expériences affectives”. (14) Cette caractéristique s’approche du 4° degré du faux self dans lequel “le faux self s’établit sur la base d’identification (comme dans le cas d’une patiente, pour laquelle, “pendant son enfance, l’environnement ainsi que sa gouvernante ont apporté beaucoup d’éléments à l’organisation de son faux self“) (84)
b) La soumission - Winnicott dit : ”Le faux “self” a une fonction positive très importante : dissimuler le vrai self ce qu’il fait en se soumettant aux exigences de l’environnement. La soumission est alors la caractéristique principale et l’imitation une spécialité.” (84)
Ainsi, dans la personnalité “comme si”, la soumission est aussi une des caractéristiques principales. H. Deutsch dit “La passivité de la patiente, en tant qu'expression de sa soumission à la volonté d’autrui, semble être le destin final de ses tendances agressives. Du fait de la faiblesse du Sur-moi, la tension entre le Moi et le Sur- moi tombe et le monde reste le lieu où se jouent les conflits”.(14)



B - Notion faux self et personnalité “comme si”, différences.
a) Première constatation: ces deux notions proviennent d’auteurs, de réflexions et d’époques différents (entretien avec André HAYNAL, Genève 24.05.97)
b) Winnicott a attaché beaucoup d’importance à la relation mère- bébé, ce qui permet de dire que dans la genèse du faux self, il y a eu une faille au niveau de l’identification primaire, comme le conçoit Bergeret, visant avant tout à assurer “l’identité du sujet, la constitution du Soi et du Je” (3).
“Winnicott a comme modèle la relation mère-nourrisson, avec quelque chose de très intime, très subtil, quelque chose difficilement nommé avec des mots intellectuels, parce que c’est quelque chose qui passe par l’affect.” (Entretien avec Alicia Schteingart, Genève, 14.05.1997).
Par contre, H. Deutsch se situe au niveau de l’Oedipe, elle transforme tout en identification du Sur-moi. Elle écrit que la personnalité “comme si” prend son origine à partir d’éclatement du Sur-moi, que rappelle plutôt l’identification secondaire, “contemporaine du mouvement oedipien, se faisant successivement aux deux parents dans leur caractères sexués” (14).
Winnicott pense que lorsque les soins maternels ne sont pas suffisamment bons, la maturation du Moi de l’enfant ne peut pas s’effectuer. Le nourrisson décrit par Winnicott est tout le temps au bord d’une “angoisse dont nous ne pouvons pas avoir une idée”. “Cette angoisse inimaginable est tenue à l’écart par la fonction de la mère” (85).
“Si la mère n’apporte au moi qu'un soutien imparfait, il peut en résulter des conséquences très gravement mutilantes, comme la défense du faux self” (85).
Pour H. Deutsch c’est la formation du Sur-moi qui est en question. Elle dit que “la même difficulté, qui a empêché le développement de la vie affective, a également eu des répercussions sur la formation du Sur-moi. La structure floue du complexe d’Oedipe a été simplement abandonnée, sans avoir permis la formation d’un Sur-moi consolidé et unifié.”. H. Deutsch dit avoir l’impression que la condition pour cela serait un investissement d’objet réel et solide dans le cadre de la situation oedipienne (14).
c) Il me semble qu’il est possible d’énoncer que la différence fondamentale serait que la notion de faux self reste “un mode de fonctionnement”, bien que lié à un trouble de l’identité plus ou moins grave (selon le degré de clivage du moi). La personnalité “comme si” est plus exactement une faille dans la formation de l’identité, comme l’identification adhésive.

X - Conclusion
Il m’est possible maintenant de faire quelques commentaires avant de conclure :
Mon projet initial était de comparer la notion du faux self et la personnalité “comme si”. J’ai élargi mon propos, comme le montre le présent titre de ma thèse. Deux raisons ont présidé à cette modification: la revue da la littérature et la discussion avec deux spécialistes. Selon A. Schteingart (rencontré à Genève le 14 mai 1997), il est“inutile” de comparer “deux notions qui ont la même fonction”. Pour Lopez Rosende (entretien du 18 août 1997, à Buenos Aires) “ce qui est important, c’est de distinguer les théories des observations. Devant un patient, même si, en ayant différentes théories, nous dirons en général la même chose, par contre ce que nous écrirons sur le patient, nous le présenterons dans une réunion, et nous nous crêperons le chignon, parce que les théories que nous construisons ont différentes formes, sont des hypothèses. Avec cette ardeur de vouloir expliquer ce qui est inexplicable....”
Lopez Rosende observe qu’il y a une quarantaine d’années, on identifiait les névroses et les psychoses, et une série de cas thérapeutiques que personne ne comprenait. Quand la psychiatrie a commencé à étudier les troubles narcissiques de la personnalité, la personnalité infantile, etc, elle a élargi son champ du faux self à la personnalité borderline, personnalité très malade, presque psychotique, et qui peut présenter des moments délirants, ou toute une gamme de troubles narcissiques de la personnalité.
La plupart des auteurs plus récents sont d’accord pour dire que ces deux notions appartiennent au grand groupe de la personnalité limite et du trouble de l’identité.
C’est le besoin de trouver un dénominateur commun pour un groupe de patients ni psychotiques, ni névrotiques, qui a poussé Helen Deutsch à décrire la personnalité « comme si » en 1934.
La majorité des auteurs et des psychanalystes rencontrés pensent que la notion de faux self est toujours valable. L’importance du faux self au cours d’une psychanalyse freudienne et “ses dérivés” comme l’appelle Schneider est significative. Pendant ces traitements, le faux self du patient se met en mouvement tandis que celui du thérapeute joue également un rôle (72). C’est la seule thérapie valable et efficace si l’on veut toucher au “vrai self”, resté “embryonnaire” comme disait A.Schteingart.
Relevons, tout de même que la psychanalyse a quelques inconvénients :
Ø “le détail” du temps et de l’argent. Cependant je crois qu’on peut « investir » pour alimenter et soigner “l’esprit” autant que pour le corps. Freud affirmait que la « la libération d’un être humain de ses symptômes névrotiques, inhibitions et anomalies caractérielles, est un travail de longue haleine ” (27).
Ø pour s’aventurer vers la découverte de sa propre identité, il faut abandonner ses points de repères habituels. Comme le dit Lopez Rosende : “Il y a des gens qui ne sont pas habitués à vivre en s’appuyant sur eux-mêmes, ni sur les forces qui surgissent de leur intérieur. Ils s’appuient sur des circonstances extérieures”

La personnalité “comme si” est en général egosyntonique, cela était constaté dans la littérature, dans des cas clinique, et aussi dans la brève illustration décrite dans ce travail, le cas « D’Anderson ».“Il y a par exemple, des individus qui ne sont pas conscients de leur manque de liens affectifs normaux et de réactions normales, mais dont le trouble affectif n’est perçu que par ceux qui les entourent...”(15, p.223 ). Ceci explique que ces personnes, ne ressentant ni souffrance, ni culpabilité, ne viennent pas consulter alors que quelqu’un qui a une organisation faux self, le ferait. Dans la description de la personnalité psychopathique que fait Reid Meloy (63, p.277), il y a beaucoup de caractéristiques de la personnalité “comme si ». C’est pourquoi, entreprendre une thérapie peut présenter certains dangers, et, « si l’on tente un traitement avec un tel individu, il convient de choisir une modalité plus restrictive, telle que l’hospitalisation ou le milieu carcéral” (63 p.22).
Pour ma part, je suis d’accord avec les auteurs qui pensent que la personnalité “comme si” est un troubles de l’identité de type « identification adhésive » (Gardner et Wagner, 64 ; Castellana, 66 ; L.Grinberg, 68).
C’est différent du patient faux self qui, lui a un vide énorme. Dans des phases avancées d’une analyse, on va vivre avec le patient (“faux self”) les risques et vicissitudes déterminées par son passage graduel au niveau 3, lié à la position dépressive, c’est ça qui le met devant l’alternative soit de faire des progrès et poursuivre son chemin dans un milieu favorable, qui donne la facilité, soit de s’autodétruire. Ce serait l’autodestruction, préférée à la vie sans vie, une fois qu’il a pris conscience de ce manque de vie (51).
La nécessité de faire des comparaisons ne semble pas préoccuper de nombreux analystes.
En ce qui me concerne, cet exercice m’a donné la possibilité d’établir des ressemblances et des divergences, et ainsi d’acquérir une vision d’ensemble.
Je rejoins à l’avis des auteurs qui affirment que ces deux notions sont différentes et je retiens particulièrement l’hypothèse de Lebovici : “Dans la théorie du faux self, le narcissisme primaire est mis en cause. C’est un sentiment inconscient qui est remplacé par le faux self. Cela est bien différent de la personnalité “comme si”, (définie) “comme une attitude mondaine”.
En conclusion la notion de faux self est une soumission aux idéaux de la mère, tandis que la personnalité « comme si » est un mimétisme à l’adaptation, aux expectatives de l’autre.
Ce travail est aussi un éloge à la psychanalyse : il n’y a rien de plus joyeux que le sentiment d’exister, de participer à la vie à part entière (corps et âme)





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1 comentario:

  1. pero que dices mi niña . por supuesto que sí claro que la vida en un día cual quiera nos vuelve y nos volvera a sorprender ,por eso a pesar de lo duro y fria que pueda ser . tú bien lo debes de saber que es necesario la existencia de los dos polos . para poder así darnos cuenta de lo positivo y lo negativo y asi encontrar la gratitud por dejarnos pasar por este universo
    muchas gracias por visitarme
    y gracias por tus palabras y espero no sea la unica vez.
    te dejo un ramo de rosas desde méxico
    de tú amigo
    el poeta de las rosas perfumadas
    g.marin

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